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Un fringant Sir John Eliot Gardiner Luxembourg Philharmonie 05/10/2023 - et 3 (Amsterdam), 7 (Hamburg) mai 2023 Johannes Brahms : Symphonies n° 3 en fa majeur, opus 90, et n° 1 en ut mineur, opus 68 Koninklijk Concertgebouworkest, Sir John Eliot Gardiner (direction)
J. E. Gardiner (© Liliya Olkhovaya)
Les 10 et 11 mai, la Philharmonie de Luxembourg invitait, au sein de sa richissime et prestigieuse programmation (la saison 2023‑2024, annoncée ce même jour, confirmait cette règle), l’une des meilleures phalanges mondiales, l’Orchestre royal du Concertgebouw pour une interprétation, en deux soirées, de l’intégrale des Symphonies de Brahms, avec à leur tête rien moins que Sir John Eliot Gardiner.
Alors qu’il vient tout juste de souffler ses quatre‑vingts bougies, le célèbre chef britannique n’a rien perdu de son énergie, comme nous avons pu le constater lors de la première soirée qui donnait à entendre la Première Symphonie, précédée par la Troisième Symphonie, comme c’est d’usage depuis Karajan. C’est donc la Troisième qui ouvrit le bal, et dès le premier mouvement, on comprit que le style du maestro tel que nous l’avions entendu dans le même répertoire il y a une vingtaine d’années n’avait pas fondamentalement changé : un modèle d’équilibre entre assise rythmique et exaltation expressive, un accord instrumental parfait laissant s’exprimer les solistes sans les extirper du flux musical, tout en offrant aux tutti orchestraux une homogénéité, une force et une lisibilité totales. Le choix des tempi put paraître sans risque, mais néanmoins très efficace, un fruité orchestral assez jubilatoire, voilà ce qu’on pouvait entendre lors de cette première soirée (nous n’avons malheureusement pas pu assister à la seconde), porté au degré d’accomplissement attendu d’un tel chef. Un Brahms presque d’école, où tout était en place sans qu’aucun élément ne soit ni poussé à son comble, ni mis spécialement en exergue. Si le jeu de flux et reflux typiquement brahmsien était discernable, il restait mesuré, si le tempo de base était impeccable, son égalité enlevait une part de souplesse au flux musical, amenuisant quelque peu l’impact des parties paroxystiques et de leur montée en puissance.
Cela donna tout de même deux symphonies de fort belle tenue, racées et élégantes, réservées dans leur refus de s’abandonner à l’excès ou de sentimentaliser le discours, sans qu’on puisse par ailleurs mettre en exergue l’une par rapport à l’autre, tant elles furent sœurs en réussite comme en style, avec les mêmes points forts et les mêmes légers bémols. Une soirée Brahms à la magnifique Philharmonie de Luxembourg (signée par Christian de Portzamparc) qui nous aura en tout cas permis de retrouver un Sir John Eliot Gardiner alerte, comme à ses plus beaux jours, en espérant le retrouver aussi fringant encore longtemps.
Emmanuel Andrieu
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