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Un public en folie à Rennes pour un Elixir réussi

Rennes
Opéra
05/05/2023 -  et 7, 9, 11, 13 mai (Rennes), 7, 9, 11, 13, 15 juin (Nantes) 2023
Gaetano Donizetti : L’elisir d’amore
Perrine Madoeuf*/Maria Grazia Schiavo (Adina), Mathias Vidal*/Giulio Pelligra (Nemorino), Marc Scoffoni (Belcore), Giorgio Caoduro (Dulcamara), Marie-Bénédicte Souquet (Giannetta)
Chœur de chambre Mélisme(s), Gildas Pungier (chef de chœur), Orchestre national de Bretagne, Chloé Dufresne (direction musicale)
David Lescot (mise en scène), Alwyne de Dardel (scénographie), Marianne Delayre (costumes), Paul Beaureilles (lumières)


(© Julien Mignot)


En coproduction avec Angers-Nantes Opéra et l’Opéra national de Lorraine, l’Opéra de Rennes offre à son public, en clôture de saison, le tendre et délicieux Elixir d’amour de Gaetano Donizetti, pour pas moins de cinq représentations du 5 au 13 mai, une séance « supplémentaire » (le 15 juin à 20 heures) étant diffusée sur écrans géants dans pas moins de cinquante villes des régions Bretagne et Pays de la Loire, dans le cadre d’« Opéra sur écran(s) », dont la première édition remonte à l’été 2009, « afin de faire sortir l’Opéra de ses murs pour partager collectivement et comme une grande fête populaire les plus célèbres ouvrages lyriques », belle initiative que l’on ne peut que saluer.

La mise en scène de cette nouvelle production a été confiée à l’homme de théâtre français David Lescot, comédien célèbre mais qui n’en est pas à son coup d’essai (lyrique), et l’on a déjà pu applaudir son travail dans Les Châtiments de Brice Pauset à l’Opéra de Dijon en 2019, ou encore La finta giardiniera de Mozart en 2014, cette fois à l’Opéra de Lille. A son habitude, il signe un spectacle drôle et poétique, tout en transposant – avec l’aide de sa fidèle scénographe Alwyne de Dardel – l’action dans quelque corn farm du Midwest américain – mais ici gérée par des Gitans, ce qui donne lieu à beaucoup d’animation et à un spectacle vif et coloré. On y rit beaucoup des aventures de ce Nemorino pas timide et gauche pour deux sous, comme le veut la tradition (et le livret), mais un vrai coq de basse‑cour faisant le kéké, telle une racaille des quartiers nord de Marseille, affublé d’un jeans troué, de tennis élimées et d’une veste de sport. Dulcamara (grimé en cow‑boy) en prend pour son grade aussi, en pochtron accro lui‑même à son mauvais pinard qu’il vend comme fameux elixir (ou philtre d’amour) dans sa mini roulotte-combi d’un autre âge. On rit également de bon cœur quand le silo à maïs s’entrouvre pour devenir un dance floor lors du mariage, où les femmes sont habillées avec d’impayables robes rose bonbon kitsch à souhait.


Mais qu’est donc, en revanche, allé faire le haute‑contre Mathias Vidal dans cette galère ? Car si le spectacle est réussi, ce n’est pas grâce à lui, qui détonne totalement – vocalement parlant – dans un registre (le belcanto) dans lequel il n’a de manière évidente ni affinités, ni qualités. S’il est pour nous le meilleur spécialiste actuel dans sa tessiture (et aux côtés de Reinoud van Mechelen) des opéras des XVIIe et XVIIIe français (Lully et Rameau en tête), il se casse les dents sur le rôle de Nemorino dont il n’a ni la souplesse de la ligne, ni les aigus (ici écourtés ou sourds ou étranglés), et un italien peu idiomatique. Las, l’excellent acteur qu’il surjoue ici en permanence finit par agacer pas ses outrances gestuelles. Satisfecit total, par bonheur (mais c’est un peu l’histoire de la carpe et du lapin), pour l’Adina de la pétulante soprano française Perrine Madoeuf qui brille par son abattage tant scénique que vocal, avec son timbre corsé, son émission et sa projection à la fois rondes et puissantes, sans rien perdre de son aisance dans l’aigu, ni de ses coloratures impeccables dans les passages virtuoses. Le Belcore de Marc Scoffoni convainc également sans peine, disposant d’une voix solide et puissamment projetée, et d’un physique avantageux qui le pose d’emblée en rival crédible de Nemorino. Désopilant comédien, le baryton italien Giorgio Caoduro chante toutes les notes de Dulcamara, laissant espérer que les directeurs de théâtre ont enfin compris l’inanité de distribuer dans ce rôle des barbons à bout de voix et de souffle. Rien de tel ici où l’on ne sait qu’admirer le plus, de la beauté du timbre ou de l’arrogance de l’émission. Enfin, Marie-Bénédicte Souquet campe une délicieuse et piquante Giannetta.


Et en fosse, autre bonheur de la soirée, la jeune cheffe d’orchestre Chloé Dufresne, pour sa première direction d’un opéra, parvient à galvaniser l’Orchestre national de Bretagne (et un impeccable Chœur Mélisme(s), bravo à son chef Gildas Pungier !), au risque parfois de jouer un peu fort (la bonbonnière de l’Opéra de Rennes reste la plus petite salle lyrique de France avec ses 644 places), mais les rythmes trépidants alternent heureusement avec de beaux épanchements mélodiques, comme dans le célébrissime air « Una furtiva lagrima ». En fin de compte, c’est une indescriptible fête que le public enthousiaste (et plutôt jeune) de l’Opéra de Rennes fait à l’ensemble de l’équipe artistique au moment des saluts.



Emmanuel Andrieu

 

 

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