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Un concert au bon Dieu Bruxelles Bozar, Salle Henry Le Bœuf 05/06/2023 - Anton Bruckner : Symphonie n° 9 – Te Deum Sophie Karthäuser (soprano), Theresa Kronthaler (mezzo-soprano), Ben Gulley (ténor), Johannes Weisser (basse)
Octopus, Belgian National Orchestra, Hartmut Haenchen (direction)
H. Haenchen (© Marjolein van der Klaauw)
Hartmut Haenchen retrouve l’Orchestre national de Belgique avec lequel il a entamé un cycle consacré à Bruckner. Nous gardons encore en mémoire un copieux concert, en 2018, lors duquel ont été interprétées la Quatrième Symphonie et la Première de Brahms.
Les qualités relevées à l’époque s’appliquent également à cette Neuvième (1887‑1894), ce qui confirme la réputation de ce chef dans ce répertoire, mais aussi le niveau de l’orchestre, maintenu élevé, malgré le renouvellement, depuis lors, de certains de ses membres, notamment le Konzertmeister, poste actuellement occupé par Misako Akama, présente, ce soir, en alternance avec Alexei Moshkov. Le premier mouvement contient à lui seul à peu près toutes les caractéristiques de l’exécution entière. La musique progresse naturellement, en tout cas jamais trop lentement ni trop rapidement, les tempi ne constituant pas vraiment un trait distinctif de cette interprétation solidement charpentée. La symphonie sonne avec densité, mais aussi avec clarté, ce qui révèle les belles interventions des bois, ainsi que celles des cuivres, justes et expressifs, et il va sans dire que ceux‑ci jouent un rôle absolument crucial dans cette œuvre.
Le chef veille ainsi à rigoureusement étager les voix intermédiaires, maintenues dans un ensemble cohérent et ferme. Il obtient de chaque pupitre un jeu excellent, suffisamment souple, le plus souvent nuancé. Le résultat témoigne assurément d’un travail sérieux et approfondi, même dans les transitions, le plus souvent réussies, voire parfaites. Les montées en puissance ne manquent pas d’impressionner et la conclusion du Feierlich, misterioso procure, comme nous l’espérions, des frissons. Les premier et troisième mouvements ouvrent ainsi sur des espaces infinis et offrent de réels moments de plénitude, même s’il demeurait possible d’atteindre des sommets indicibles, l’interprétation demeurant un rien trop surveillée.
Hartmut Haenchen entend manifestement conférer une dimension spirituelle à son interprétation, une volonté d’autant plus évidente au regard du complément. Et lorsque les choristes d’Octopus prennent place, derrière l’orchestre, après le Scherzo, par ailleurs assez réussi, nous comprenons que le chef compte enchaîner directement avec le Te Deum (1881‑1884), fidèle en cela à la volonté de Bruckner afin de suppléer à l’absence de quatrième mouvement et d’encore mieux souligner la dédicace « au bon Dieu ». Quelques spectateurs n’ayant probablement pas saisi l’intention commencent à applaudir après l’Adagio, manifestation heureusement vite réprimée.
Même dans cette composition d’une vingtaine de minutes pour chœur, solistes et orchestre, le chef réussit à équilibrer toutes les forces en présence, en plus d’obtenir, tout au long de ce concert, de belles et généreuses sonorités. Les solistes ne déméritent pas mais ne se démarquent guère non plus, moins impressionnants en tout cas que les choristes, qui affichent puissance et cohésion. L’analogie avec la Neuvième de Beethoven paraît évidente, mais la différence de tonalité, et même d’inspiration, entre la symphonie et le Te Deum justifie la préférence – la nôtre, en tout cas – et l’habitude de ne pas poursuivre au-delà de l’Adagio.
Sébastien Foucart
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