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Un couple idéal Zurich
Opernhaus
04/10/2023 - et 13, 16, 22*, 25, 28 avril, 4, 7, 13, 18 mai 2023
Charles Gounod : Roméo et Juliette
Julie Fuchs (Juliette), Benjamin Bernheim (Roméo), Brent Michael Smith (Frère Laurent), David Soar (Le Comte Capulet), Yuriy Hadzetskyy (Mercutio), Svetlina Stoyanova (Stéphano), Omer Kobiljak (Tybalt), Katia Ledoux (Gertrude), Valeriy Murga (Le Duc de Vérone), Andrew Moore (Le Comte Paris), Jungrae Noah Kim (Grégorio), Maximilian Lawrie (Benvolio)
Chor der Oper Zürich, Ernst Raffelsberger (préparation), Philharmonia Zürich, Roberto Forés Veses (direction musicale)
Ted Huffman (mise en scène), Andrew Lieberman (décors), Annemarie Woods (costumes), Franck Evin (lumières), Pim Veulings (chorégraphie), Fabio Dietsche (dramaturgie)
B. Bernheim, J. Fuchs (© Herwig Prammer)
La nouvelle production de Roméo et Juliette à l’Opernhaus de Zurich est portée par le couple idéal que forment Benjamin Bernheim et Julie Fuchs. Lui, pour sa première incarnation scénique du personnage, campe un Roméo particulièrement séduisant, à la voix solaire et généreuse, au phrasé impeccable, à la diction parfaite et aux aigus rayonnants. Ce baptême scénique se révèle d’emblée un coup de maître et place d’ores et déjà le ténor sur la liste des grands titulaires du rôle. Tout au plus aurait‑on pu souhaiter un engagement un peu plus marqué pour composer un amoureux moins lisse et rêveur mais plus combatif et ardent. Nul doute que d’ici à Bastille en juin, où il retrouvera Roméo, Benjamin Bernheim aura eu le temps d’approfondir son incarnation. Elle, pour sa prise de rôle, est une Juliette extrêmement touchante et entière, au début du spectacle enfant timide et presque effarouchée par l’attention qu’on lui porte lors du bal organisé par son père, puis qui, grâce à l’amour, va s’enhardir jusqu’à devenir une jeune femme prête à tout, sachant exactement ce qu’elle veut. Vocalement, on admire le sens des nuances de Julie Fuchs, son émission lumineuse et ronde ainsi que ses vocalises parfaitement ciselées, malgré quelques stridences dans l’extrême aigu. Les deux voix se marient très agréablement.
L’intrigue se déroule sur un plateau nu, délimité par trois parois comprenant plusieurs portes. Avant même que s’égrènent les premières notes, deux longues rangées de chaises vides se font face, comme pour figurer les deux familles dont la rivalité ensanglante Vérone. Pendant l’Ouverture, les personnages viennent chacun à leur tour occuper l’espace. Les superbes éclairages de Franck Evin rehaussent la sobriété du décor, avec de suggestives ombres géantes projetées sur les murs. Le metteur en scène Ted Huffman a donc choisi l’épure pour se concentrer sur la direction d’acteurs et les interactions entre les personnages.
A la tête du Philharmonia Zürich, Roberto Forés Veses propose une exécution musicale contrastée et dynamique, faisant clairement ressortir la tension dramatique, mais dans son enthousiasme le jeune chef a souvent tendance à faire sonner les musiciens très, voire trop fort, au détriment du raffinement de la musique de Gounod. On notera que la partition, qui dure ici environ 2 heures 10, a été passablement écourtée, notamment dans la scène du mariage. Mais le gros bémol du spectacle, ce sont les personnages secondaires qui entourent le couple d’amoureux, lesquels font tous partie ou presque de la troupe de l’Opernhaus. Leur français incompréhensible et, pour certains, leur émission dénuée de toute finesse gâchent le plaisir des spectateurs francophones. Seuls Katia Ledoux en Gertrude et, dans une moindre mesure, Brent Michael Smith en Frère Laurent s’en tirent avec les honneurs. On mentionnera également le Stéphano de Svetlina Stoyanova, pas pour son français mais pour sa belle voix chaude et corsée. Il ne reste plus qu’à espérer que Benjamin Bernheim sera mieux entouré à Paris.
Claudio Poloni
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