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La garde montante

Strasbourg
Palais de la Musique
03/23/2023 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Rondo en do majeur, K. 373 – Symphonie concertante pour violon et alto, K. 320d [364]
Ludwig van Beethoven : Triple Concerto, opus 56

Raphaëlle Moreau (violon), Paul Zientara (alto), Stéphanie Huang (violoncelle), Nathalia Milstein (piano)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Renaud Capuçon (violon et direction)


P. Zientara, R. Capuçon (© Grégory Massat)


Salle du Palais de la musique quasiment comble, ce qui n’arrive plus très souvent depuis la crise covid, pour ce concert qui n’était donné, il est vrai, qu’une seule fois. Il est vraisemblable que l’affiche Mozart/Beethoven ait pu s’avérer particulièrement motivante, et aussi le caractère constamment ludique des œuvres concertantes proposées. Un concert presque récréatif, mais de loin pas seulement. En tous cas, ce public de renfort, manifestement pas au courant de tous les codes, applaudit systématiquement entre les mouvements, mais peu importe, car il reste par ailleurs remarquablement silencieux et attentif.


La présence de Renaud Capuçon, violoniste médiatique, en pleine maturité maintenant, a pu aussi s’avérer attractive, de même que la juvénile brochette de musiciens et musiciennes appelés à lui donner la réplique. L’altiste Paul Zentiara a 23 ans, la violoniste Raphaëlle Moreau, sœur du violoncelliste Edgar Moreau, ce qu’une saisissante ressemblance physique suffirait à nous indiquer, en a 27, la violoncelliste Stéphanie Huang 27 ans aussi, et la pianiste Nathalia Milstein 28. Donc une toute nouvelle génération de musiciens francophones, qui gravite beaucoup en ce moment dans divers festivals et saisons, en particulier de musique de chambre, sous le parrainage bienveillant de quelques aînés, dont Renaud Capuçon ou encore Marc Coppey. Rappelons aussi l’impact énorme de l’encore récente crise covid sur la carrière de ces jeunes interprètes, victime en plein envol de plusieurs saisons consécutives d’inactivité forcée, et qui font figure aujourd’hui de convalescents, avec un plaisir évident de pouvoir à nouveau jouer ensemble, devant des salles bien remplies.


Pour la première partie, entièrement mozartienne, Renaud Capuçon dirige du violon les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg en formation relativement réduite, ce qui autorise une véritable complicité, car ici la notion de direction devient un peu floue. Il s’agit bien davantage d’un jeu collectif que d’une véritable hiérarchie, le problème provenant plutôt des tempi relativement vifs imposés par Capuçon maître d’œuvre, et qui ralentissent dès que Capuçon violoniste se retourne vers le public pour jouer. L’inertie du nombre est difficile à compenser, et quelques petits problèmes d’ensemble peuvent même survenir, mais sans altérer le plaisir procuré par ces belles lectures du Rondo en do majeur et de la Symphonie concertante pour violon et alto. Des interprétations essentiellement vives et fluides, avec au premier plan une ligne de violon d’une magnifique pureté (le Guarnerius « Vicomte de Panette », sur lequel Isaac Stern à lui‑même beaucoup joué : on n’ira pas jusqu’à prétendre qu’à quelques décennies de distance, on reconnaît ce son quand Renaud Capuçon joue, mais une forme de filiation demeure patente). Un violon très altier, qui creuse beaucoup l’écart, dans la Symphonie concertante, avec l’alto nettement plus sombre et moins naturellement agile de Paul Zentiara. Mais ces différences de jeu et de personnalité sont aussi fécondes, les répliques que se lancent au vol les deux instruments créant sous nos yeux de véritables échanges, voire toute une palette de sentiments variés. Et dans l’Andante (pris là encore assez vite, et ralentissant ensuite) la grâce mozartienne peut s’installer sans aucune mièvrerie.


En seconde partie, Renaud Capuçon laisse son violon en coulisses pour endosser des fonctions de chef à part entière, qu’il assume bien. Son Triple Concerto de Beethoven, œuvre qu’il connaît évidemment pour y avoir déjà tenu l’une des parties solistes à de nombreuses reprises, a du panache et de l’allure. Les dosages sont bien réalisés et de belles qualités d’accompagnateur sont patentes, facilitant autant que possible la tâche à un trio soliste entièrement féminin qui se cherche un peu. Dans la partie de piano, pas forcément prépondérante mais quand même importante pour caractériser l’ensemble, Nathalia Milstein peine à imposer une véritable personnalité. L’instrument est davantage sollicité du bout des doigts que réellement investi, avec une vraie netteté mais peu de véritable hédonisme. Et pour Raphaëlle Moreau le manque est du même ordre : une sonorité un rien aigrelette et surtout un vibrato très (trop ?) parcimonieux, ou du moins bizarrement géré, avec une curieuse façon d’enfler systématiquement chaque note tenue après l’attaque, procédé qui devient relativement irritant à terme par son caractère prévisible. En fait, ce trio s’avère surtout déséquilibré, car dès que Stéphanie Huang attaque la moindre phrase au violoncelle, on n’écoute plus qu’elle. La sonorité est d’une chaleur irradiante, avec beaucoup de pulpe et même des fragrances capiteuses, et la musicienne a une façon tellement impérieuse de dire « je » à chaque coup d’archet que ses deux partenaires s’en trouvent fatalement éclipsées. Mais une bonne entente règne cependant, et ce Triple Concerto jeune et frais se laisse écouter avec plaisir.



Laurent Barthel

 

 

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