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Un spectacle enlevé et coloré Lausanne Opéra 03/29/2023 - et 1er, 2, 5*, 7, 8, 9 avril 2023 Gloria Bruni : Pinocchio Anne Sophie Petit (Pinocchio), Philippe Cantor (Geppetto), Nuada Le Drève (La fée), Laure‑Catherine Beyers (Le grillon, L’écho), Valentine Dubus (Le chat, L’écho), Baptiste Bonfante (Le renard), Romain Favre (Le cracheur de feu, Mangefeu)
Chœurs de l’Opéra de Lausanne et de l’Ecole de Musique de Lausanne, Catherine Fender (préparation), Sinfonietta de Lausanne, François López-Ferrer (direction musicale)
Cédric Dorier (mise en scène), Adrien Moretti (décors), Irène Schlatter (costumes), Katrine Zingg (maquillages, coiffures, masques), Christophe Forey (lumières), Jean‑Philippe Guilois (chorégraphie), Francesco Cesalli (vidéo)
(© Jean-Guy Python)
Fidèle à sa politique de proposer régulièrement des ouvrages lyriques pour le jeune public, l’Opéra de Lausanne poursuit sur sa lancée en programmant cette année la création en langue française de Pinocchio, de Gloria Bruni (née en 1955). Fondé sur un livret de l’auteur à succès Ursel Scheffler (née en 1938), adapté lui-même du conte mondialement connu (1881) de Carlo Collodi, l’œuvre a été créée à Hambourg en 2008, avant d’être adaptée en italien en 2013 pour le San Carlo de Naples puis pour le Teatro Regio de Parme. Elle a ensuite été considérablement augmentée pour une nouvelle production biélorusse en décembre 2020 au Bolchoï de Minsk : avec ses deux actes, elle concrétisait ainsi l’ambition de Gloria Bruni d’offrir un opéra non pas uniquement aux enfants mais aussi au public adulte, un opéra comique et profond à la fois. Pour Lausanne, la version française est signée Mathias Constantin et Antoine Schneider. L’ouvrage franchit aussi un nouveau palier car il a quitté l’habit scénique qu’on lui avait prêté jusqu’ici (avec l’orchestre sur le plateau) pour un format plus proche d’un véritable opéra, avec pas moins de trente‑deux artistes sur le plateau, dont sept solistes, douze enfants figurants, huit choristes et cinq danseurs.
Respectant les intentions originelles d’Ursel Scheffler, qui joue sur l’aspect social de l’intrigue, un peu à la manière de Charles Dickens, le metteur en scène Cédric Dorier fait de Geppetto, le père de Pinocchio, un sans‑abri porté sur la bouteille, qui récupère sur une plage du bois flottant et d’autres déchets rejetés par les vagues pour fabriquer ses objets. L’action du premier tableau se situe dans un décor impressionnant constitué de deux pontons superposés face à la mer : en bas Geppetto, qui n’a même pas de quoi se nourrir, en haut la bonne société qui se pavane. Pinocchio surgit du caddie dans lequel Geppetto a amassé tout ce qu’il possède. C’est une dame de la bourgeoisie d’en‑haut qui deviendra sa bonne fée et qui le confiera aux bons soins d’un grillon, censé être sa conscience. Les tableaux suivants – qui sont tous des étapes initiatiques pour Pinocchio – voient défiler une fête foraine au cours de laquelle les enfants deviennent des ânes, une forêt dans laquelle Pinocchio va perdre son argent pour avoir fait confiance au Chat et au Renard puis se retrouver pendu, avant d’atterrir dans le ventre de la baleine, par le truchement d’images vidéo. La succession de tableaux se fait à un rythme soutenu, sans aucun temps mort. Le spectacle est rehaussé par les superbes costumes bariolés d’Irène Schlatter.
Gloria Bruni a composé une musique mélodique, tout à fait accessible et particulièrement rythmée et dynamique. On relèvera notamment une Ouverture vive et alerte ainsi que de nombreux clins d’œil à des airs d’opéra connus. L’orchestration est rendue avec panache par le Sinfonietta de Lausanne, sous la baguette énergique de François López‑Ferrer, qui n’est autre que le fils du regretté Jesús López‑Cobos : à sa naissance en 1990, son père venait d’être nommé directeur artistique de l’Orchestre de chambre de Lausanne. La distribution est composée de jeunes chanteurs formés pour la plupart à la Haute Ecole de musique de Lausanne. On mentionnera le Pinocchio fragile et émouvant d’Anne Sophie Petit, dont l’aigu est particulièrement sollicité, le Geppetto bourru et désabusé de Philippe Cantor, la bonne Fée distinguée et élégante de Nuada Le Drève ou encore le splendide Grillon de Laure‑Catherine Beyers. Et quel plaisir de voir les enfants manifester bruyamment leur enthousiasme à la fin du spectacle !
Claudio Poloni
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