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Premières innsbruckoises Innsbruck Tiroler Landestheater 03/25/2023 - et 30 mars, 1er*, 14, 23 avril, 7, 10, 12 mai 2023 Modeste Moussorgski : Boris Godounov Ivo Stanchev (Boris Godounov), Irina Maltseva (Fiodor), Annina Wächter (Xénia), Susanna van der Burg (L’aubergiste, La nourrice), Lukasz Zalęski (Prince Vassili Chouïski), Alec Avedissian (Andreï Chtchelkalov), Florian Stern (Grigori), Johannes Maria Wimmer (Pimène), Joachim Seipp (Varlaam), Sascha Zarrabi (Missaïl, Un boyard), Dale Albright (L’Innocent), Stanislav Stambolov/Il‑Young Yoon (Nikititch), Jannis Dervenis/Julien Horbatuk (Mitioukh)
Chor, Extrachor und Kinderchor des Tiroler Landestheaters Innsbruck, Michel Roberge (chef des chœurs), Tiroler Symphonieorchester Innsbruck, Oliver von Dohnányi (direction musicale)
Thaddeus Strassberger (mise en scène, décors, costumes, vidéo), Thomas Schmidt-Ehrenberg (dramaturgie)
I. Stanchev, D. Albright (© Birgit Gutler)
Les opéras russes ne sont pas ignorés des maisons d’opéra européennes, loin de là, et même si la propagande russe laisse entendre le contraire. Après le choc de Guerre et Paix à Munich le mois dernier, c’est au tour du Tiroles Landestheater, la maison d’opéra d’Innsbruck, de nous donner la version originale de Boris Godounov pour la première fois dans cette ville.
Ces deux productions ont en commun d’apporter des touches de modernité aux deux œuvres. Si Dimitri Tcherniakov avait déplacé l’intégralité de l’action dans les temps modernes et Thaddeus Strassberger mélange les époques, les deux conceptions respectent bien leurs sources, de Tolstoï à Pouchkine : l’opéra de Prokofiev reste une œuvre épique dont les personnages évoluent face à la guerre en fonction de leur classe sociale tout autant que de leur personnalité tandis que celui de Moussorgski est un opéra sur la corruption du pouvoir qui maintient le peuple dans un état de désespoir. Une des plus fortes scènes montre ainsi l’Innocent entraînant une foule aussi perdue et subjuguée que lors du couronnement de Boris, dans les mêmes fils rouges qui l’avaient fait s’élever auparavant dans les airs. De façon générale, à l’exception de la scène de l’auberge, un peu trop chargée, l’action est claire et bien structurée. Le décor central pivote pour faire alterner passages plus intimes et scènes d’extérieurs avec une utilisation de la vidéo assez imaginative. Les passages avec Boris sont bien définis avec une certaine finesse dans la confrontation avec Chouïski.
Le plateau vocal est assez homogène. Ivo Stanchev, qui fait ici une prise de rôle, a beaucoup de puissance, trouve la dimension tragique du rôle et sait mettre le texte en valeur. Johannes Maria Wimmer en Pimène pourrait avoir une ligne de chant plus nette mais Joachim Seipp est un Varlaam truculent et très solide. Parmi les ténors, Dale Albright souffrait de quelques décalages dans le rôle très exposé de l’Innocent, Florian Stern a de belles hautes notes dans le rôle de Grigori et Lukasz Zalęski est un Chouïski menaçant.
L’Orchestre symphonique tyrolien d’Innsbruck n’est pas un orchestre « immense » avec par exemple « seulement » trois contrebasses, mais sous la baguette inspirée d’Olivervon Dohnányi, le son s’avère riche et équilibré. Mention spéciale aux superbes cloches réalisées par la maison innsbruckoise Grassmayr, connue de toute l’Autriche. Enfin, Boris Godounov est un opéra de chœur. Celui‑c,i préparé par Michel Roberge, était superbe avec passion, amplitude et couleurs.
Voici en fin de compte une belle soirée. Boris Godounov n’est pas une œuvre facile et le Tiroler Landestheater peut vraiment se féliciter d’avoir réussi le pari de la monter.
Antoine Lévy-Leboyer
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