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Pré)inauguration de la Cité Bleue Geneva Cité universitaire 03/25/2023 - Luigi Rossi : Oratorio per la Settimana Santa : « Piangete occhi piangete »
Alessandro Scarlatti : Plange quasi virgo – Ecce vidimus eum
Gregorio Allegri : Miserere
Giovanni Giorgi : Offertorio nella Festa di S. Giacomo Apostolo – Offertorio per la Domenica delle Palme – Offertorio per il Giovedi Santo – Ave Maria – Messe en fa majeur Mariana Flores, Maria Chiara Ardolino (sopranos), Paulin Bündgen (contre‑ténor), Pierre‑Antoine Chaumien (ténor), Matteo Bellotto (basse)
Chœur de chambre de Namur, Cappella Mediterranea, Leonardo García Alarcón (direction)
(© Adrien Buchet)
En attendant la livraison, en début d’année prochaine, du centre culturel « La Cité Bleue », nouvelle structure culturelle destinée, à Genève, à promouvoir « tous les arts », dixit son directeur général et artistique Leonardo García Alarcón. Celui‑ci a souhaité proposer une première saison « hors les murs » (nommée « Les Constellations ») qui se déroule dans neuf lieux insolites de la cité de Calvin – avec pas moins de dix‑neuf spectacles, répartis sur sept week‑ends, de mars à novembre 2023.
Le premier d’entre eux, en ce samedi 25 mars, se tient à deux pas de la salle en travaux, dans le hall d’un des quatre bâtiments de la Cité universitaire de Genève, à l’architecture intérieure d’une modernité étonnante. Une mise en espace (avec un chœur et six solistes mouvants) et un jeu de lumières aussi savantes que variées (bleues et blanches), plus quelques fumigènes et bougies, et voilà le lieu transformé en une église à la pompe toute romaine... qui entre en résonnance avec le programme de ce concert inaugural dédié aux « Splendeurs de la polyphonie romaine ». Les sept niveaux de passerelles sur les côtés, au bout d’un long couloir où le public a pris place, permettent une spatialisation du son quand solistes ou choristes les investissent ; mais la plupart du temps, ils entourent le nucléus des neuf instrumentistes répartis devant le chef qui dirige depuis son orgue portatif.
García Alarcón a fait ici une sélection de quatre compositeurs des XVIIe et XVIIIe siècles romains : Luigi Rossi (Oratorio per la Settimana santa), Alessandro Scarlatti (Plange quasi virgo), Gregorio Allegri et le moins connu Giovanni Giorgi, que le chef genevois a découvert dans les trésors de la Bibliothèque du Vatican, et dont il s’arrête sur l’incroyable vie en guise de préambule au concert. Vénitien d’origine, mais maître de chapelle à Saint-Jean-de-Latran à Rome de 1719 à 1725, il sera ensuite actif à la cour de Lisbonne, où il subira le terrible tremblement de terre qui ravagea et ruina la capitale portugaise en 1755, l’obligeant à regagner son pays d’origine (à Gênes), où il écrira une superbe messe en l’honneur des innombrables victimes de la catastrophe naturelle. Aux côtés du sublime Miserere d’Allegri, dans lequel la voix aérienne et diaphane de Maria Chiara Ardolino fait fi des envolées de sa partie solo (d’ordinaire confié à un jeune garçon), c’est la pièce la plus originale et émouvante de la soirée, exécutée en clôture de soirée, juste après des motets de ce même compositeur, d’une étonnante volupté, tout en renvoyant immanquablement à la polyphonie et aux effets madrigalesques de la Renaissance, en particulier la polychoralité vénitienne de Gabrieli et Monteverdi, mais avec une humanité plus prégnante, dans laquelle transpire la volonté de réconfort auprès d’âmes en peine.
Le résultat s’avère à la hauteur des espérances et l’on est en effet enthousiasmé par la couleur d’ensemble, l’homogénéité des pupitres, la ferveur et la flamme que le chef comme les interprètes mettent dans toutes ces pièces tour à tour recueillies, ardentes ou solennelles. La variation des effectifs vocaux, en tutti ou par un quintette de solistes (les sopranos Mariana Flores et Maria Chiara Ardolino, le contre‑ténor Paulin Bündgen, le ténor Pierre‑Antoine Chaumien et la basse Matteo Bellotto), la richesse et la variété de l’accompagnement instrumental évitent par ailleurs toute sentiment de monotonie.
Une étonnante découverte que ce Giovanni Giorgi, à mettre l’actif d’un des chefs les plus talentueux et inventifs du notre temps dans le milieu de la musique ancienne et baroque, et à qui l’on souhaite bon vent pour cette nouvelle aventure qu’est « La Cité bleue ».
Emmanuel Andrieu
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