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Parsifal sans mystère

Salzburg
Festpielhaus
03/23/2002 -  et 1er avril 2002
Richard Wagner : Parsifal
Thomas Moser (Parsifal), Violeta Urmana (Kundry), Albert Dohmen (Amfortas), Hans Tschammer (Gurnemanz), Markus Hollop (Titurel), Eike Wilm Schulte (Klingsor)
Chœur Arnold Schoenberg, Chœur Philharmonique de Prague, Tolzen Knabenchor, Orchestre Philarmonique de Berlin, Claudio Abbado (direction)
Peter Stein (mise en scène)


Claudio Abbado est sans conteste non seulement une des plus remarquables baguettes de son époque mais qui plus est, un chef particulièrement dans son élément dans le répertoire lyrique. Ses Simon Boccanegra, Boris, Carmen, Wozzeck et Elektra sont rentrés dans la légende. Wagner par contre n’a jamais fait parti de son répertoire de base, à l’opposé d’un Levine, Mehta Barenboim ou plus récemment d’un Rattle. S’il a abordé il y longtemps Lohengrin et a inclus des passages symphoniques de quelques opéras dans quelques de ses concerts, il n’est revenu à Wagner que récemment, avec des représentations de Tristan au festival de Pâques de Salzbourg il y a deux ans, et c’est la première fois qu’il aborde Parsifal.


Cette production était très attendue puisque c’est le dernier opéra qu’Abbado dirige en tant que directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Autant le déclarer, tout de suite, elle a déçu que ce soit dramatiquement ou musicalement.


Le talent de Peter Stein est incontestable et il fait certes preuve de métier dans la scène des filles-fleurs ou dans son travail très élaboré de jeux de lumières mais il ne fait qu’effleurer l’œuvre. Ses conceptions des actes I et III sont pauvres, sans doute faisait-on pareil il y a 50 ans. Sans revenir à l’extraordinaire radicale mise en scène que Goetz Friedrich nous avait proposée à Bayreuth dans les années 80, Graham Vick, plus près de nous à l’ Opéra de Paris, nous avait présenté une conception bien plus poussée des personnages et des thèmes que Wagner a mis dans son opéra. Interviewé par le magazine allemand «Buhne»(La Scène), Peter Stein a évoqué qu’il a accepté de monter Parsifal par amitié pour Abbado avec qui il a collaboré pour Wozzeck et Simon Boccanegra mais que Wagner lui reste par trop étranger. Hélas, cela se remarque.


L’«inexpérience» d’ Abbado dans Wagner est également tangible par des choix de tempi bien plus vifs que par tradition. Parsifal est plus que toute œuvre, celle où il faut prendre son temps, se laisser porter par le souffle de la ligne. Abbado tire les deux scènes de transformation du 1er et 3e acte vers le dramatique mais ces passages n’ont pas la même finalité que dans Wozzeck. Si le deuxième acte, plus dramatique s’accommode et bénéficie de cette approche, elle tombe à plat dans les autres actes, bien que ceux-ci soient parmi les plus belles pages de toute la littérature musicale allemande. Son Parsifal, dépourvu de mystère et de sa lumière, n’est plus cette œuvre d’une humanité et d’une profondeur unique où comme le dit Gurnemanz, le temps et l’espace se suspendent.


Le niveau orchestral est naturellement très élevé, comment pourrais-t-il en être autrement avec un tel orchestre dans la fosse. Les cordes sont riches avec un son et un volume extraordinaire, les solistes à tomber à la renverse. Les chœurs sont malheureusement très inégaux : le mélange des chœur d’enfants de Tolz, dont la justesse laisse à désirer et des hommes du chœur Philharmonique de Prague, dont le volume est très insuffisant pour équilibrer le son de l’orchestre, n’est pas convainquant. Les femmes du chœur Arnold Schoenberg sont par opposition remarquables et auraient du intervenir dans l’ensemble de l’opéra.


Mentionnons également une petite erreur: dans la musique de transformation du 3e acte, les cloches présentes sur le bord de la scène couvrent de façon exagérée l’orchestre. Ce passage orchestral est un des plus magnifiques jamais écrit par Wagner ou jamais écrit tout court (pour ceux qui ont la partition dans l’ édition Dover, il s’agit des pages 533 à 542). En 1981, j’avais entendu en concert pour la première fois l’orchestre Philharmonique de Berlin dans une version de concert de cet acte sous la direction d’ Herbert Von Karajan. Je me souviens encore du crescendo obtenu à ce moment, éblouissant de force et d’amplitude mais en même temps plein de lumière et de clarté. Quelle déception alors que j’attendais ce même orchestre dans ce passage que celui-ci soit gâché par ces cloches intempestives.


Thomas Moser est un Parsifal convainquant, mais Placido Domingo à Paris avait plus d’intensité en particulier dans le deuxième acte, même si son allemand n’était pas aussi clair que celui de son collègue américain. Hans Tschammer a toutes les notes que demande le rôle de Gurnemanz mais pas l’aura : il faut chanter ce rôle extraordinaire avec la douceur qui est celle d’un père à son fils. Albert Dohmen n’est pas non plus très émouvant, aucune comparaison avec le souvenir de Thomas Hampson qui avait réservé son premier Amfortas dans les mêmes représentations Parisiennes d’il y a environ un an. Eike Wilm Schulte est par contre un Klingsor dans la grande tradition des barytons noirs Wagnériens. Quand à Violetta Urmana, il faut vraiment s’ appeler Parsifal pour résister à une si extraordinaire Kundry.


Un grand second acte, mais dans son ensemble, une production dont on attendait beaucoup plus.





Antoine Leboyer

 

 

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