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La BBC à Monaco Monaco Monte-Carlo (Auditorium Rainier III) 03/24/2023 - Samuel Barber : Symphonie n° 1, opus 9
Betsy Jolas : bTunes
Jean Sibelius : En saga, opus 9 – Symphonie n° 7, opus 105 Nicolas Hodges (piano)
BBC Symphony Orchestra, Eva Ollikainen (direction)
E. Ollikainen (© André Peyrègne)
Grande semaine musicale à Monaco : lundi, visite de l’Opéra de Vienne avec de mémorables Noces de Figaro, vendredi venue de l’Orchestre symphonique de la BBC pour une splendide Septième Symphonie de Sibelius. Deux mémorables soirées. La seconde s’est déroulée dans le cadre du festival du Printemps des arts.
Il faut voir l’imposante phalange anglaise que la grande scène de l’Auditorium Rainier III a presque du mal à contenir. La voir est impressionnant, l’entendre l’est plus encore. Par sa puissance, son équilibre d’ensemble, sa souplesse collective, cet orchestre est l’un des meilleurs d’Europe.
Le programme du concert était apparemment hétéroclite : Première Symphonie de Barber, concerto de Betsy Jolas, Septième Symphonie de Sibelius. Mais dans une brillante introduction, le directeur du festival, Bruno Mantovani, expliqua que, pour sa Première Symphonie, Barber s’était inspiré de la Septième de Sibelius. Le tour était joué !
Cette symphonie de Barber fut la (très bonne) surprise de la soirée. On ne la joue jamais. Voilà une œuvre en tous points admirable par sa beauté orchestrale, la conduite de ses thèmes, la qualité du dialogue entre les diverses sections de l’orchestre. Ici des accords claquent, là des mélodies s’alanguissent, ailleurs des aubes se lèvent, des brises s’animent. C’est le mérite d’un festival tel que le Printemps des arts de nous faire découvrir que Barber n’est pas uniquement l’auteur de son célèbre Adagio.
On a été moins convaincu par le concerto de Betsy Jolas. Il est intitulé bTunes pour faire moderne. L’œuvre se veut amusante. L’orchestre commence à jouer avant même que le chef et le soliste ne soient arrivés sur scène ! Au‑delà, l’œuvre n’est pas vraiment drôle. Elle présente une succession d’échanges de brèves séquences entre le piano et l’orchestre. Ces séquences peuvent être réduites à un intervalle de septième descendante rappelant la Trente‑deuxième Sonate de Beethoven, des quintes montantes comme dans le Concerto « A la mémoire d’un ange » de Berg. On pourrait multiplier les exemples. On ne sait où on va. Cela pourrait se continuer sans fin. Voilà un concerto pour rire dont les interprètes auraient sans doute intérêt à jouer totalement l’amusement alors qu’ils ont été d’un sérieux brahmsien.
Par la suite, il y eut Sibelius pour nous combler. D’abord son poème symphonique En saga, pleine de mystère comme son titre l’indique aux finlandophones (il signifie « Une légende »). Dans cette ambiance de conte nordique surgit une bonne fée – en l’occurrence l’excellente altiste soliste de l’orchestre londonien. Ensuite, ce chef‑d’œuvre qu’est la Septième Symphonie de Sibelius. Au début monte du fond de l’orchestre une simple gamme : la, si, do, ré, mi, fa, sol, la, si, do, ré, mi bémol. Ce long thème nous prend par la main et nous entraîne dans une partition envoûtante. Elle vibre du mystère des forêts finlandaises. Un souffle puissant nous emporte. Les trombones sont à l’œuvre, les cordes se déchaînent. Voilà un des sommets de la musique symphonique du XXe siècle. La cheffe d’orchestre Eva Ollikainen fut en tous points excellente.
La « Valse triste » de Sibelius, donnée en bis, fut une apothéose. A cent musiciens, l’Orchestre de la BBC eut une précision et une délicatesse de quatuor à cordes. Que cette valse triste nous a rendu heureux !
André Peyrègne
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