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Magistral Paris Philharmonie 03/21/2023 - et 20 mars 2023 (Lugano) Ernö Dohnányi : Szimfonikus percek, opus 36
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 4, opus 58
Richard Strauss : Don Juan, opus 20 – Salome, opus 54 : « Danse des sept voiles » – Till Eulenspiegels lustige Streiche, opus 28 Rudolf Buchbinder (piano)
Budapesti Fesztiválzenekar, Iván Fischer (direction)
I. Fischer (© Ondine Bertrand/Cheeese)
Il est habituel de considérer que les plus beaux orchestres sont des orchestres de tradition. Hier soir à la Philharmonie de Paris, démonstration fut faite qu’en ce domaine, comme dans d’autres, la valeur n’attend parfois pas le nombre des années. En effet, l’Orchestre du Festival de Budapest, qui fête en 2023 ses 40 ans, a montré lors de cette soirée un niveau exceptionnel digne des plus vieux ensembles européens.
Ce concert débutait par les rares Minutes symphoniques de Dohnányi. Tout est d’emblée magnifiquement en place, notamment les cordes délicates et homogènes, les bois précis et chantants tel ce cor anglais à la belle présence. Plus loin dans l’œuvre c’est le célesta et la clarinette qui émeuvent avant un rondo dansant. En somme une introduction idéale pour préparer à la suite.
L’interprétation du Quatrième Concerto de Beethoven est à la fois classique et moderne. Classique grâce au jeu du pianiste autrichien, brillant mais jamais clinquant, et moderne de par l’accompagnement tonique, transparent et rebondissant, mais sans excès, d’un orchestre d’une richesse harmonique et d’une précision exemplaires. Le célèbre Andante, improbable dialogue entre un piano irréel et un orchestre bien terrestre, est parfaitement réalisé. Le final est joyeux et triomphal comme il se doit. Deux bis – un Quatrième Impromptu de l’Opus 90 de Schubert très charpenté et une lumineuse Gigue de la Première Partita de Bach – complètent une prestation exemplaire.
Place ensuite à la pyrotechnie orchestrale dans des pièces de Richard Strauss anthologiques. Le Don Juan commence la fête avec ses montées aux cordes tout simplement parfaites et une harmonie qu’on a rarement autant entendue jusque dans ses dissonances. Le passage central lent permet d’écouter un hautbois miraculeux. Seule déception mineure, la première et brève intervention du violon solo Guy Braunstein, transfuge des Berliner Philharmoniker, est apparue imprécise. Au‑delà, ce n’est qu’hédonisme sonore, notamment l’impeccable choral de cuivres et les interventions jubilatoires successives des différents pupitres. Le final captive de bout en bout et la nouvelle intervention du violon solo est ici parfaite. Il en est de même des pizzicati concluant cette œuvre qui n’a que rarement parue aussi foisonnante. Du très grand art orchestral.
L’extrait de Salomé est également extraordinaire, puissant, libre et sensuel à la fois. Le hautbois chante à merveille, les pizzicati des contrebasses, aériens et précis, rappellent ceux des Wiener Philharmoniker et les cuivres martèlent le discours avec une puissance précise et jamais forcée. A la toute fin, les percussions se couvrent de gloire avant une accélération du plus bel effet dramatique. Chapeau !
Quant au Till l’Espiègle, il portait ce soir bien son nom et ce fut comme un feu d’artifice final. Iván Fischer fait installer les qautre cors en avant de la scène et la clarinette, qui se lève dans un de ses traits les plus exposés, est au milieu des cordes : spectaculaire ! Spectaculaire comme l’est aussi cette interprétation sans faille, avec prises de risques maximales de chaque instrumentiste. Cela donne un Till l’Espiègle très réussi, fantasque, contrasté, riche et haletant. En bis, certains des musiciens offrent au public enchanté un « bœuf » à la hongroise sous le regard complice et amusé du directeur d’un ensemble vraiment hors du commun.
Ce concert apporte une nouvelle fois la preuve que ce jeune orchestre est décidément d’un niveau exceptionnel. Et Iván Fischer, son fondateur et directeur depuis quarante ans, peut être fier du travail accompli et du résultat.
Le site de l’Orchestre du Festival de Budapest
Le site de Rudolf Buchbinder
Gilles Lesur
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