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Foi brucknerienne

Strasbourg
Palais de la Musique
03/03/2023 -  
Max Bruch : Fantaisie écossaise, opus 46
Anton Bruckner : Symphonie n° 3 en ré mineur, WAB 103

Liza Fertschman (violon)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Claus Peter Flor


L. Fertschman, C. P. Flor (© Nicolas Rosès)


Violoniste espagnol, Pablo de Sarasate était passionné de musique andalouse, mais aussi, ce que l’on sait moins, de folklore écossais. A propos de ces incursions d’un musicien de formation classique dans le répertoire des fiddlers, notre époque parlerait peut-être de cross‑over. En tout cas, Sarasate, composant en 1892 à son propre usage les Airs écossais opus 34, ne répugnait pas à des accents qui aujourd’hui encore ne dépareraient pas dans un pub à Glasgow. Dans la Fantaisie écossaise, commandée en 1879 par Sarasate au compositeur Max Bruch, cette rudesse gaélique paraît plus policée, ne serait‑ce peut-être que parce que Bruch, qui n’avait encore jamais mis les pieds en Ecosse à l’époque, ne connaissait la musique populaire des Highlands que parce qu’il s’était déjà documenté à plusieurs reprises sur le sujet dans les bibliothèques allemandes, notamment à Munich. Donc une approche d’une authenticité très amortie par l’effusion romantique, pour une musique concertante mineure, certes, mais qui garde aujourd’hui beaucoup de charme, a fortiori quand elle est jouée comme ici par une soliste qui n’investit pas tout dans une virtuosité standardisée.


Hollandaise mais née de parents russes émigrés, Liza Ferschtman séduit davantage par sa spontanéité musicale, voire une sorte de perpétuel bouillonnement, au prix çà ou là de quelques scories, que par la perfection de son jeu. Mais c’est peut‑être aussi ce qu’il nous faut pour préserver à ce type d’œuvre, dont le style a, avouons‑le, beaucoup vieilli, le charme entêtant des antiquités de second rayon. Ici, sous la direction attentive de Claus Peter Flor, qui porte véritablement sa soliste, sans jamais la couvrir, la magie opère, et mieux vaut certainement redécouvrir cette œuvre attachante que devoir une fois de plus se contenter du Premier Concerto pour violon, auquel notre connaissance de Max Bruch reste trop continuellement limitée. En bis : l’Andante de la Deuxième Sonate pour violon seul de Bach, interprété avec là aussi des prises de risque qui peuvent entacher une certaine propreté d’exécution. Mais l’interprète sait nous tenir en haleine tout au long de cette très belle mélodie accompagnée, voire la rendre poignante.


Autre challenge après l’entracte, la Troisième Symphonie de Bruckner, donnée de surcroît dans sa version originale de 1873, la plus logique et la plus cohérente dans ses divines longueurs, ou – selon qu’on a la fibre brucknérienne ou qu’on l’a moins – peut‑être la plus interminable... Pour Claus Peter Flor et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, un défi magnifiquement relevé, le chef n’ayant pas son pareil pour relancer le discours quand il menace de s’enliser, voire pour assumer crânement les transitions d’une atmosphère à l’autre sans qu’elles ressemblent à des sauts du coq à l’âne. Il faut sans doute de la part d’un chef une véritable aptitude de persuasion pour entraîner tout un orchestre dans une pareille aventure, et conforter chacun dans son rôle, même lorsqu’il se retrouve confronté à une partie individuellement ingrate (la petite harmonie doit endurer son lot de bizarreries pataudes, tel ce petit motif chromatique par degrés de la flûte, extrêmement difficile à soutenir, dans le premier mouvement...). Davantage qu’un concert, une confrontation directe avec un monolithe.


« On l’a déjà jouée plus mal », nous dit en privé le maestro, manifestement content, à l’issue de cette exécution torrentielle mais très maîtrisée. Et, de fait, sous son impulsion, les musiciens strasbourgeois ont pu toucher là une véritable forme d’accomplissement brucknérien, de l’ordre du mystique. Un succès incontestable, que l’on reste par ailleurs agnostique ou non, ne changeant rien à l’affaire.



Laurent Barthel

 

 

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