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L’OSR (enfin) dans une très bonne salle München Isarphilharmonie 02/26/2023 - et 9 (Genève), 27 (Antwerpen), 28 (Lille) février, 1er mars (Berlin) 2023 Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Concerto pour piano n° 1, opus 23
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 3 « Héroïque », opus 55 Khatia Buniatishvili (piano)
Orchestre de la Suisse romande, Jonathan Nott (direction) J. Nott (© Guillaume Megevand)
Que le lecteur me pardonne d’évoquer un souvenir personnel mais ce n’est pas sans une certaine émotion qu’on revoit l’Orchestre de la Suisse romande, deux ans après avoir quitté Genève pour Munich pour des raisons professionnelles. Certains musiciens ont quelques cheveux plus grisonnants tandis que de nouveaux sont venus rajeunir certains pupitres.
Rappelons que cet orchestre est de style « français » avec des cordes un peu plus minces que l’on entend en Allemagne et des bois de très haut niveau. C’est également un orchestre, et nous l’avons souvent répété sur ConcertoNet, qui doit jouer dans la salle du Victoria Hall, vénérable et pleine d’histoire mais assez étroite et plus adaptée à de la musique de chambre qu’à un orchestre symphonique moderne. La salle de l’Isarphilharmonie par opposition est un peu excentrée, a moins d’atmosphère mais est très analytique, offre une dynamique large et permet surtout aux musiciens de très bien s’entendre et de s’équilibrer facilement.
Donné en première partie, le Premier Concerto pour piano de Tchaïkovski est un peu sous les doigts de Khatia Buniatishvili un « produit d’appel ». La flamboyante pianiste géorgienne – qui attend un heureux événement, félicitations – peut se vanter d’avoir des moyens techniques importants, une forte vélocité et un vrai tempérament d’artiste très apprécié du public. Mais ses nombreuses accélérations sont juste sans contrôle, l’Allegro con fuoco final étant tellement rapide que les thèmes en deviennent méconnaissables. Les passages plus calmes du premier mouvement sont plus réussis mais ne durent pas très longtemps. Très applaudie, elle donne trois bis, le Precipitato de la Septième Sonate de Prokofiev et une Rhapsodie de Liszt méconnaissables de vitesse ainsi que le Quatrième (Largo) des Préludes opus 28 de Chopin, plus calme, plus mesuré et enfin plus musical.
En seconde partie, les musiciens donnent la Troisième Symphonie « Héroïque » de Beethoven. Jouer du Beethoven peut à Munich sembler une certaine gageure mais les musiciens et Jonathan Nott n’ont pas programmé cette œuvre par hasard. Le style reste français : clarté des plans sonores, finesse des phrasés, des équilibres qui mettent en relief des bois de très grande qualité tout en ayant une dynamique moins large que ce que feraient des ensembles germaniques. Mais Jonathan Nott trouve la pulsation beethovénienne si fondamentale pour cette musique. L’œuvre avance, nerveuse et très construite. La mise en place, les contrechants mais aussi la construction sont impeccables. Au hautbois, Nora Cismondi a des superbes phrasés dans la « Marche funèbre ». Au cor, Jean‑Pierre Berry est très solide. Jonathan Nott, qui avait fait jouer la phrase initiale du mouvement lent de la Première Symphonie de Mahler par l’ensemble des contrebasses (voir ici) fait jouer certaines pages du Finale par les chefs de pupitres des cordes, permettant à Bogdan Zvoristeanu, Sidonie Bougamont, Frédéric Kirch et Lionel Cottet de briller.
Voici un superbe Beethoven moderne qui a tout à fait sa place à Munich et dont tout Genevois peut tout simplement être fier. Et oui, ces musiciens méritent absolument une salle moderne digne de ce nom.
Antoine Lévy-Leboyer
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