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Du sang à la cour d’Angleterre

Zurich
Opernhaus
02/05/2023 -  et 9, 12, 17*, 22, 26 février, 4, 7, 17 mars 2023
Gaetano Donizetti : Roberto Devereux
Inga Kalna/Elena Mosuc* (Elisabetta), Konstantin Shushakov (Duca di Nottingham), Anna Goryachova (Sara), Stephen Costello (Roberto Devereux), Andrew Owens (Lord Cecil), Brent Michael Smith (Sir Gualtiero Raleigh), Aksel Daveyan (Un paggio), Gregory Feldmann (Un familiare di Nottingham)
Chor der Oper Zürich, Janko Kastelic (préparation), Philharmonia Zürich, Enrique Mazzola (direction musicale)
David Alden (mise en scène), Gideon Davey (décors et costumes), Elfried Roller (lumières), Arturo Gama (chorégraphie), Kathrin Brunner (dramaturgie)


(© Toni Suter)


Après Maria Stuarda en avril 2018 puis Anna Bolena en décembre 2021, l’Opernhaus de Zurich achève la « Trilogie Tudor » de Donizetti avec Roberto Devereux. Ce cycle – que le compositeur de Bergame n’a jamais imaginé en tant que tel au demeurant – a été confié au metteur en scène David Alden et au scénographe Gideon Davey. Celui-ci a situé l’intrigue des trois opéras dans un espace délimité par une froide et haute paroi de marbre en demi‑cercle. A l’intérieur de ce dispositif, un autre mur circulaire est tapissé de portraits de la reine Elizabeth Ire à différentes époques de sa vie. Les chanteurs et les choristes sont vêtus de costumes d’époque, alors que quelques figurants portent des vêtements gris beaucoup plus modernes. L’Ouverture donne le ton du spectacle : au pied d’un bourreau en noir tenant une immense hache gît le corps décapité d’une femme baignant dans une mare de sang, la tête posée un peu plus loin. Pendant que le bourreau s’éloigne lentement, des serviteurs recouvrent le cadavre d’un linge blanc. Il s’agit de l’exécution d’Ann Boleyn, à laquelle a assisté sa fille, la future Elizabeth Ire. Pour David Alden, le caractère lunatique et ombrageux de la souveraine s’explique par le traumatisme qu’elle a subi durant son enfance. A la fin de son règne, une Elizabeth Ire d’âge mûr, acariâtre et assoiffée de vengeance, est amoureuse de Roberto Devereux, comte d’Essex, mais celui‑ci a été accusé de trahison. La reine pourrait révoquer la condamnation à mort qu’a décrétée son conseil, mais elle ne fera rien car elle soupçonne – à juste titre d’ailleurs – le comte d’en aimer une autre, en l’occurrence Sara, sa plus proche confidente. Devereux sera finalement exécuté et la reine abdiquera. Donizetti a mis en musique une histoire violente de passions et de sentiments exacerbés, bien rendue dans la mise en scène de David Alden, avec ses décapitations, ses séances de torture et même une pendaison.


Le rôle d’Elizabeth est particulièrement périlleux, avec nombre d’écueils redoutables dans la ligne vocale. Présente dans les deux premiers ouvrages de la trilogie, Diana Damrau a préféré reculer devant l’obstacle, laissant la place à Inga Kalna. Souffrante, celle‑ci est remplacée par Elena Mosuc pour la quatrième représentation de la série. La chanteuse roumaine a commencé sa carrière à l’Opernhaus, dont elle a fait partie de la troupe de 1991 à 2012. Pendant plus de vingt ans, elle a pu y bâtir son répertoire, essentiellement celui de soprano colorature, certes un peu éclipsée par Edita Gruberova, qui était, à la même période, la reine incontestée des vocalises à Zurich. Malgré quelques stridences et des graves parfois blafards, la voix d’Elena Mosuc est parfaitement conduite. Sa musicalité et sa technique font le reste, avec des vocalises parfaitement maîtrisées, un phrasé impeccable et des nuances infinies. Tout au plus pourrait‑on arguer que la chanteuse veut trop contrôler son chant, au détriment des émotions. Mais, on l’a dit, le rôle est un des plus meurtriers du répertoire. Anna Goryachova est une Sara au timbre chaud et corsé, l’exact opposé de celui de la reine, sa rivale. En Roberto Devereux ardent, partagé entre l’amour de deux femmes, le ténor Stephen Costello séduit par son émission claire et veloutée, au superbe legato. On mentionnera également le duc de Nottingham fier et sonore de Konstantin Shushakov. Un seul regret : la direction vigoureuse et peu inspirée d’Enrique Mazzola, qui couvre souvent les chanteurs.



Claudio Poloni

 

 

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