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Le Retour de Bill en sa patrie

Paris
Opéra Comique
03/12/2002 -  13, 15 et 16 mars
Claudio Monteverdi : Il ritorno d'Ulisse in patria
Kresimir Spicer (Ulysse), Marijana Mijanovic (Pénélope), Katalin Karolyi (Fortune / Melantho), Olga Pitarch (Amour, Minerve), Cyril Auvity (Télémaque), Joseph Cornewell (Eumée), Robert Burt (Iro), Zacharie Stains (Eurymache), Rachid Ben Abdeslam (Fragilité Humaine), Paul-Henry Vila (Temps / Neptune), Eric Raffard (Jupiter).
Adrian Noble (mise en scène), Anthony Ward (décors, costumes), Jean Kalman (lumière), Sue Lefton (chorégraphie)
Les Arts Florissants, William Christie (direction)

L'incident survenu lors de la représentation du 15 mars se passerait de commentaires. Ayant repris plusieurs fois une phrase en attendant un effet scénique qui ne viendra pas, William Christie se tourne vers le public et déclare avec un mélange de jubilation rentrée et de colère bien réelle : "Mesdames et messieurs, je suis profondément désolé. Nous avons travaillé cette production avec passion depuis deux ans. Mais ce théâtre, qui est un joyau, ne fonctionne plus. Nous attendons en vain que Jupiter veuille bien descendre des cintres… Et depuis une semaine, nous n'avons ici que des problèmes". Le spectacle reprendra après quelques minutes de silence et de tension particulièrement lourde. Privé de Favart par les appuis politiques de Jérôme Savary lorsqu'il postulait à la succession de Pierre Médecin, Christie n'ignore pas que la vengeance est un plat à déguster froid. Cette sortie n'en illustre pas moins une sinistre réalité, à savoir la décomposition progressive d'une salle sans équivalent à Paris pour deux siècles de patrimoine musical, sevrée par les pouvoirs publics des moyens matériels les plus élémentaires et abandonnée à une politique artistique excluant à un ou deux évènements près le public des mélomanes.
Sa plus belle victoire, c'est pourtant par la musique que Bill la remporte. Car il suffit d'un murmure des voix, d'un accord de clavecin et d'orgue épanoui en ces murs pour rappeler la vocation naturelle, évidente de Favart. Oh, ce n'est pas que la distribution soit sans failles, ni l'orchestre incandescent ! Mais l'un et l'autre parlent la langue du lieu. Le spectacle beau et simple, admirablement travaillé d'Adrian Noble soutient de nouveau l'attention d'un bout à l'autre, et cet influx se communique à la direction de Christie, qui ne paraît jamais aussi naturelle que lorsqu'elle accompagne une production de haut niveau. On lui reprochera une certaine timidité expressive, ainsi que le caractère par trop systématique de la réalisation instrumentale, mais toutes les intentions dramatiques sonnent parfaitement juste, les transitions s'opèrent sans rupture, portées par un tapis orchestral réduit mais subtil de texture autant que de dessein - continuo extatique où l'on remarque en particulier le violoncelle de David Simpson, Christie lui-même jonglant avec bonheur entre clavecin, orgue et régale (il a la grande élégance de rester dans la fosse pour les saluts finals).
Des premiers rôles de la distribution aixoise, seule a disparu - hélas - Stéphanie d'Oustrac. Si le luxe vocal ne caractérise toujours pas les seconds rôles des Arts Flos, le rapport entre chant et texte donne là encore un sentiment d'évidence. Et tous demeurent parfait d'adéquation physique avec leurs rôles, ce qui vaut aussi pour l'exceptionnel trio de tête. Adolescent plus vrai que nature, le Télémaque de Cyril Auvity allie un timbre prégnant, presque cru dans certains accents bien que d'une extrême sophistication dans le contrôle et l'émission, à un phrasé d'une irréprochable tenue et mobilité - impressionnante leçon de musique. Spicer maîtrise moins ses moyens considérables, mais l'autorité physique et vocale sont parfaitement en situation, le jeu et le dire de même. Marijana Mijanovic nous envoûte par la splendeur de son allure, de son timbre unique, si plein dans tous les registres, de sa ligne de chant déployée comme en apesanteur, mais peine à nous émouvoir quand elle se soucie elle même si peu de varier l'expression, et vit la fin de longue attente sans laisser percevoir la moindre fêlure. On lui rêve tous les rôles haendéliens de Senesino, et on les lui rêverait bien volontiers ici le jour où l'intérêt du public et de l'art primera sur les petits arrangements entre amis. Quand, au fait ?



Vincent Agrech

 

 

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