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« Over Dance »: over 60 ! Paris Théâtre national de la danse 02/15/2023 - et 16*, 17, 18, 21, 22, 23 février (Paris), 2‑4 (Aix‑en‑Provence), 12 (Bologna) mars, 3 novembre (Reggio Emilia) 2023, 14‑17 (Trento), 21‑24 (Bolzano) mars 2024
Un jour nouveau Rachid Ouramdane (chorégraphie), Jean‑Baptiste Julien, Sam Cooke, Stephen Sondheim (musique)
Stéphane Graillot (lumières), Mayalen Otondo (assistante artistique)
Darryl E. Woods, Herma Vos (danseurs)
Birthday party
Angelin Preljocaj (chorégraphie), 79D, Anton Bruckner, Józef Plawinski, Paul Williams, Lee Hazlewood, Johann Sebastian Bach, Maxime Loaëc, Craig Armstrong, Stinky Toys (musique)
Eric Soyer (lumières), Eleonora Peronetti (costumes)
Mario Barzaghi, Sabina Cesaroni, Patricia Dedieu, Roberto Maria Macchi, Elli Medeiros, Thierry Parmentier, Marie‑Thérèse Priou, Bruce Taylor (danseurs)
Le nouveau spectacle « Over Dance » présenté par le Théâtre national de la dansee‑ Chaillot répond à la question : qu’est‑ce que l’âge du corps ?
L’idée de faire danser des seniors n’est pas neuve. Jirí Kylian, quand il dirigeait le Nederlands Dans Theater à La Haye, avait créé en 1991 la fraction NDT 3 pour faire danser ses « retraités » de carrières toujours trop courtes. D’autres chorégraphes comme Jérôme Bel ont même tenté des expériences étonnantes comme de faire danser des handicapés mentaux et des amateurs. Le projet « Over Dance » que présente le Théâtre national de la dansees‑ Chaillot, commande de la compagnie italienne Aterballetto (Reggio Emilia), propose deux chorégraphies impliquant des participants ayant plus de 60 ans et qui mêle danseurs professionnels, chanteurs et amateurs.
Le spectacle donné dans la Salle Gémier, récemment rénovée, pendant les travaux de la Grande Salle, comporte un court préambule signé Rachid Ouramdane, patron des lieux. Il donne carte blanche à deux professionnels, Darryl E. Woods, danseur américain de Broadway, ancien de chez Alain Platel, resté incroyablement svelte, et Herma Vos, une ancienne Blue Bell girl du Lido. Un cha‑cha‑cha endiablé sur la chanson Everybody Loves to Cha Cha Cha de Sam Cooke et une improvisation vocale et corporelle sur les paroles de « Send in the Clowns » de Stephen Sondheim constituent un bon lever de rideau à la pièce de résistance qu’est Birthday party, pour huit participants, réglée avec tact, poésie et humour par Angelin Preljocaj. Parmi ceux‑ci on retrouve avec délice Elli Medeiros, star de la pop des années 80, ancienne des Stinky Toys, ayant gardé une silhouette impeccable dans un somptueux costume de vinyle noir, quelques anciens danseurs (parmi eux Bruce Taylor, aujourd’hui pédagogue recherché) et amateurs et même naïfs d’expérience scénique, dont la doyenne a 81 ans. Exercice funambulesque pour qui est habitué à une troupe d’un niveau technique et professionnel incomparable.
Ils commencent alignés en rang d’oignons à s’échauffer sur une musique langoureuse de Bruckner et on admire leurs costumes de scène aussi superbes que fantaisistes signés Eleonora Peronetti. Preljocaj ajoute au spectacle un peu de poil à gratter avec une interview de Simone de Beauvoir, qui a pondu un pavé de six cents pages sur le vieillissement du corps avec de prémonitoires réflexions sur celui de l’âge de la retraite qui déclenchent beaucoup de rires dans la salle. Puis le spectacle prend corps, sur une bande son magnifique où l’on reconnaît bien l’éclectisme et le sûr goût musical du chorégraphe, avec une désopilante parodie de danse soviétique sur un tube des Chœurs de l’Armée rouge, de délicieux solos, duos, ensembles. Mais le projet de prouver que l’âge biologique n’est qu’une composante aléatoire dans la projection de l’émotion prend tout son sens quand les danseurs quasi dénudés exhibent leurs corps dans des postures très sensuelles, en couples sans distinction de genre. L’émotion est palpable dans la salle. Même si l’on ne mesure pas le phénoménal travail réalisé par le chorégraphe pour arriver à tricoter un spectacle à la perfection quasi professionnelle sans mettre aucune barrière à la fragilité et à la spontanéité des participants, lesquels tendent en permanence un miroir à ce que nos corps peuvent devenir, on reste muet d’admiration quand cette pièce qui n’a duré que quarante minutes et paru nous émerveiller comme une longue fête s’achève comme un tour de malice par un final d’une modernité débridée.
Olivier Brunel
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