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Aux deux extrémités du spectre Paris Palais Garnier 02/08/2023 - et 9, 10, 13*, 15, 16, 18, 25, 26, 28 février, 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10 mars 2023
Ballet impérial George Balanchine (chorégraphie), Piotr Ilyitch Tchaïkovski (musique)
Xavier Ronze (costumes), Mark Stanley (lumières)
Who Cares ?
George Balanchine (chorégraphie), George Gershwin (musique), Hershy Kay (adaptation et orchestration)
Paul Gallis (décors), Xavier Ronze (costumes), Mark Stanley (lumières)
Ballet de l’Opéra national de Paris
Emmanuel Strosser (piano), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Mikhail Agrest (direction musicale)
Ballet impérial (© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)
On est habitué à chaque saison du Ballet de l’Opéra national de Paris (BOP) aux innombrables reprises de la trentaine de chorégraphies de George Balanchine qui sont à son répertoire. Cette fois, ce sont deux chorégraphies de ce maître qui entrent au répertoire.
Et deux chorégraphies très emblématiques car situées aux deux extrémités du spectre de la production balanchinienne. Ballet impérial, réglé sur le Deuxième Concerto pour piano de Tchaïkovski, évoque les fastes de la Russie de Pierre Le Grand, les chorégraphies de Marius Petipa et la splendeur pétersbourgeoise. Who Cares ? est dansé sur des adaptations orchestrales (plus ou moins réussies) par Hershy Kay de seize songs de Gershwin. La première date de 1941, créée à Rio de Janeiro, tandis que la seconde le fut à New York en 1970 par le New York City Ballet sur lequel régnait Balanchine.
Soirée équilibrée mais qui laisse des impressions mitigées car si l’on y entre rempli de gourmandise de découvrir deux nouvelles pièces, on en ressort un peu déçu par la qualité de la danse et de la musique. Depuis qu’il n’est plus tenu par une main de fer, c’est‑à‑dire le départ de la direction de la danse de Brigitte Lefèvre, le niveau de la tenue d’ensemble du corps de ballet flotte plus que de raison. Un peu d’indulgence ! – nous rétorquera‑t‑on – on est en période de transition. Soit ! Espérons que le gant de velours du nouveau directeur, le danseur étoile José Martinez aura hérité d’un peu de ladite main de fer... La danse balanchinienne, autant dans ses ensembles que ses solos et duos, réclame l’excellence absolue. Et, malgré l’inévitable contrôle du Balanchine Trust, qui délègue ses maîtres de danse, ce n’était pas le cas, principalement dans Ballet impérial, pièce en tutus blancs où tout l’art chorégraphique, comme dans le ballet blanc de Joyaux ou dans Tchaïkovski Pas de Deux, est fondé sur le respect des lignes, la symétrie absolue des mouvements, la rigueur de la danse dans ce qu’elle a de plus classique. Les solistes, Ludmila Pagliero, Paul Marque, Hannah O’Neill et Florent Melac, à défaut d’être « impériaux » se sont hissés au niveau des exigences techniques de leurs parties, mais l’ensemble n’était pas au niveau de ce que l’on a pu voir tout au long des décennies précédentes sur la même scène.
Who Cares ? (© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)
Avec son joli décor de gratte‑ciel (emprunté au Ballet de l’Opéra d’Amsterdam) et ses costumes colorés, Who Cares ? avait plus d’allure. Le plan n’est pas le même car des ensembles très rythmés et complexes alternent avec des duos, le tout collant au premier degré à la plus séduisante et swinguante des musiques. On a particulièrement apprécié la classe du premier danseur Jérémy‑Loup Quer, qui faisait équipe avec la danseuse étoile Dorothée Gilbert dans The Man I Love, et le charme très mutin de la première danseuse Roxane Stojanov dans My One and Only.
Pour la musique, après avoir dit et répété de quel luxe on jouit de pouvoir l’entendre jouée par un orchestre et non par une reproduction sonore, il faut bien avouer que sous la direction très raide, quasi militaire, de Mikhail Agrest, chef américain d’origine russe, la fraction de l’Orchestre de l’Opéra de Paris présente dans la fosse ce soir‑là était méconnaissable. Emmanuel Strosser a eu le mérite de faire pétiller le Deuxième Concerto de Tchaïkovski, qui, s’il n’égale pas en originalité son Premier, est certainement un substrat plus propice à une chorégraphie néoclassique. Et malgré les réserves exprimées sur les adaptations du compositeur et orchestrateur américain Hershy Kay, qui pourraient être plus scintillantes, plus proches de l’esprit de Broadway, la partie Gershwin semblait inspirer d’avantage, sinon le chef toujours très guindé, mais les musiciens, qui donnaient l’impression de la savourer.
Olivier Brunel
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