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Réjouissant Orléans Salle Pierre‑Aimé Touchard 02/04/2023 - et 5 février 2023 Michael Daugherty : Raise the Roof
John Adams : The Chairman Dances
Duke Ellington & Billy Strayhorn : The Essential Music of Ellington (arrangement Jeff Tyzik)
Stephen Sondheim : A Little Night Music : « Send in the clowns »
George Gershwin : Un Américain à Paris Gerald Scholl (timbales)
Orchestre symphonique d’Orléans, Marius Stieghorst (direction)
G. Scholl, M. Stieghorst (© Micheline Taillardat)
Située à une heure de train de Paris, la ville d’Orléans peut s’enorgueillir d’une opulente tradition en matière de musique classique, encore bien vivante en ces heures de restrictions budgétaires. Outre la saison lyrique opérée par La Fabrique Opéra Val de Loire ou le Concours international de piano, le public fidèle sait pouvoir compter sur les six concerts organisés chaque année par l’Orchestre symphonique d’Orléans. Fondée en 1921, la formation, composée de professionnels et d’amateurs (essentiellement des professeurs et élèves du Conservatoire), a fêté son centenaire en publiant un ouvrage commémoratif, richement fouillé et illustré par Philippe Barbier et Jean‑Dominique Burtin (Daniel Plot Editeur, 2022). L’ouvrage détaille la création, dès 1722, d’une Académie de musique dirigée par François Giroust (ancien surintendant de la musique de Louis XVI), puis l’organisation régulière de concerts tout au long du XIXe siècle, avec le recrutement de rien moins que César Franck en tant qu’accompagnateur attitré au piano, de 1845 à 1863.
Plus encore que ce passé prestigieux, c’est bien le répertoire de l’Orchestre symphonique d’Orléans qui impressionne par sa diversité, notamment les cycles thématiques et leurs répertoires éloignés des sentiers battus, par exemple les rarissimes Mass de Bernstein en 2007, le Concerto pour piano de Busoni en 2012 ou la création d’Andromède de Thibaut Vuillermet (né en 1983), l’an passé. Le concert, dédié au « Rêve américain », ne fait pas exception cette année, avec pas mal de surprises au programme, dont un inattendu Concerto pour timbales (2003) de Michael Daugherty (né en 1954).
Confié aux bons soins de Gerald Scholl, timbalier solo de l’Orchestre symphonique de Wichita (ville jumelée avec Orléans depuis tout juste cinquante ans), le concerto débute avec l’exploration des sonorités de la timbale la plus grave (sur les sept en présence), aux résonances mystérieuses et hypnotiques. Peu à peu, la sobriété laisse place au style emphatique et spectaculaire de Daugherty, proche de la musique de film : les timbales déchaînées contrastent avec les scansions homophoniques des cuivres, rappelant l’univers sonore des westerns, tandis que les vents déploient des volutes plus orientalisantes en comparaison. Une transition en forme de glissando donne à Scholl l’occasion de déployer toute sa technique véloce lors d’un long solo intense, où les timbres évoluent au gré des différentes baguettes utilisées. Le changement d’ambiance après le solo surprend par ses emprunts à la musique de jazz et sud‑américaine, évoquant Bernstein ou Revueltas par l’entremêlement des thèmes savants et populaires. Le chef allemand Marius Stieghorst, directeur musical de l’Orchestre symphonique d’Orléans depuis 2014, n’a pas son pareil pour faire swinguer sa formation, sans jamais sacrifier à la précision des attaques des différents pupitres.
Le concert avait débuté avec une prise de parole du chef, tout d’esprit et humour, pour présenter la musique minimaliste de John Adams (né en 1947), permettant d’appréhender les changements d’atmosphère et le raffinement de l’orchestration des Chairman Dances (1985). Malgré une acoustique sèche, Stieghorst fascine par son attention au développement des irrésistibles crescendos, entre mise en valeur des transitions et nuances, sans parler de l’allégement manifeste de la masse orchestrale. Après l’entracte, ces mêmes qualités mettent en valeur les extraits des hits de Duke Ellington (1899‑1974) et Billy Strayhorn (1915‑1967), arrangés par le compositeur Jeff Tyzik : la fusion réussie entre jazz et musique classique donne littéralement envie de danser, malgré un démarrage un rien trop prudent des cuivres. Les amateurs de cette musique se reporteront au disque remarquable enregistré par Simon Rattle en 2000 pour EMI (arrangement de Luther Henderson), toujours insurpassable dans ce répertoire.
Après le délicieux « Send in the clowns », extrait de la comédie musicale A Little Night Music (1973) de Stephen Sondheim, Stieghorst enchaîne, sans interruption, avec le poème symphonique bien connu Un Américain à Paris (1928) de George Gershwin, dont les habitués de Radio Classique auront reconnu le générique de l’émission « Tous Classiques », animée par Christian Morin. Autant l’humour (notamment les effets de klaxons) que l’énergie rythmique déployée font mouche en un tempo endiablé, de même que le bis extraverti, Star and Stripes Forever de Sousa, où le public applaudit en rythme à la fin de la pièce. De quoi animer cette fin de concert d’une énergie communicative, reflet du mélange d’effervescence chaleureuse et d’ambition artistique de son chef : une perle qu’Orléans fait bien de choyer !
Florent Coudeyrat
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