About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Poulenc a retrouvé sa Voix

Paris
Philharmonie
01/27/2023 -  et 25 janvier 2023 (Lille)
Francis Poulenc : Sinfonietta – La Voix humaine
Véronique Gens (soprano)
Orchestre national de Lille, Alexandre Bloch (direction)


A. Bloch (© Marco Borggreve)


Week‑end groupe des Six, avec une soirée consacrée à l’oubliée Germaine Tailleferre, cent ans après le défoulement des années 1920, concert Poulenc, soixante ans après sa mort : la Philharmonie se souvient. La soirée « Poupoule » a aussi montré les progrès accomplis par l’Orchestre de Lille depuis qu’Alexandre Bloch en a pris les rênes. Homogénéité des cordes, fruités des bois, velouté des cuivres, tout en fait un des meilleurs de l’Hexagone.


Conçue à partir de trois thèmes d’un Quatuor à cordes mis au rebut, la Sinfonietta serait‑elle, avec ses quatre mouvements traditionnels, une Symphonie ne disant pas son nom ? Si l’on veut, mais à la Poulenc, qui musarde plus qu’il ne développe : le modèle allemand reste loin. Une carte de visite en tout cas, tant il est là tout entier, grave ou facétieux, se citant ici, s’anticipant ailleurs – on entend déjà parfois Dialogues des carmélites.


Alexandre Bloch a le geste vif et précis, sans effet de manche. L’Allegro con fuoco pétille ou s’épanche, avec au milieu jusque ce qu’il faut de lyrisme, dans une parfaite fluidité – on ne doit jamais enrober la musique de Poulenc. Aurait‑on ajouté une pincée d’humour au Molto vivace ? Il n’en conserve pas moins sa pétulance, avec de jolis contrechants. L’Andante cantabile est à la Sinfonietta ce que le Un poco allegretto e grazioso est à la Première Symphonie de Brahms : le chef en préserve la fraîcheur et les saveurs agrestes. Le Prestissimo et très gai final, entre humour canaille et effusions passagères, se montre brillamment enlevé.


A l’opposé se situe La Voix humaine, ce douloureux monologue d’une femme abandonnée parlant une dernière fois, au téléphone, à son amant. Les couleurs de l’orchestre s’assombrissent, la pâte sonore se densifie, Alexandre Bloch installe une tension qui ne se relâchera pas, à l’unisson d’une superbe Véronique Gens. Parfaitement projetée même si elle n’est pas grande, la voix épouse les méandres du texte de Cocteau, dans une intimité absolue avec la déclamation à la française, où le mot et la note fusionnent, où le dire et le chanter se confondent naturellement – il ne s’agit pas seulement d’articuler. Et nous avons devant nous cette femme effondrée, oscillant entre aveu et mensonge, qui a voulu mourir d’amour, « incarnée » avec à la fois une intensité et une sobriété faisant de la soprano française, après Denise Duval et Felicity Lott, « la » Voix humaine d’aujourd’hui.


Le couplage des deux œuvres a fait l’objet d'un enregistrement qui vient de paraître chez Alpha.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com