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60 ans et pas une ride

Vienna
Staatsoper
01/19/2023 -  et 22*, 25, 28, 31 janvier 2023
Giacomo Puccini : La bohème
Benjamin Bernheim (Rodolfo), Rachel Willis‑Sørensen (Mimì), Boris Pinkhasovich (Marcello), Stefan Astakhov (Schaunard), Peter Kellner (Colline), Anna Bondarenko (Musetta), Hans Peter Kammerer (Benoît, Alcindoro), Juraj Kuchar (Parpignol), Ion Tibrea (Sergeant), Johannes Gisser (Un douanier), Daniel Lökös (Un vendeur)
Chor der Wiener Staatsoper, Martin Schebesta (préparation), Orchester der Wiener Staatsoper, Eun Sun Kim (direction musicale)
Franco Zeffirelli (mise en scène, décors), Marcel Escoffier (costumes)


(© Wiener Staatsoper/Michael Pöhn)


Cette reprise de La Bohème à l’Opéra de Vienne vaut surtout pour la présence de Benjamin Bernheim en Rodolfo. Le ténor franco‑suisse livre une superbe prestation, campant un poète ardent et passionné, à la voix solaire et généreuse, décochant avec une facilité déconcertante des aigus lumineux et capable également de splendides mezza voce tenues en bout de souffle. La diction est impeccable, le phrasé magnifique, seules quelques sonorités nasales trahissent çà et là un certain inconfort ou tout simplement le trac. Sa Mimi est pour l’occasion Rachel Willis‑Sørensen. La voix, peut‑être un peu trop lourde et dramatique pour le rôle, séduit néanmoins par son ampleur et son moelleux ainsi que par son timbre corsé ; la technique est irréprochable et la chanteuse exerce un contrôle absolu de l’émission, sans aucun vibrato ni signe de fatigue ou de fragilité, au détriment cependant de l’émotion et de la crédibilité du personnage. Quoi qu’il en soit, les deux voix se marient idéalement.


Le couple d’amoureux est fort bien entouré, que ce soit par le Marcello au chant élégant et sonore de Boris Pinkhasovich, par le Colline de Peter Kellner, dont l’air du manteau, tout en sobriété, est l’un des moments forts de la soirée, par le solide Schaunard de Stefan Astakhov ainsi que par la Musetta très en verve et très en voix d’Anna Bondarenko. Le seul bémol vient de la fosse, où la jeune cheffe coréenne Eun Sun Kim ne s’embarrasse ni de nuances ni de subtilités et use et abuse du fortissimo. On s’étonne qu’elle ait été engagée à la Scala pour diriger le même ouvrage en mars. Si le public viennois a fait preuve de beaucoup de mansuétude à son égard, il n’est pas certain que les Milanais apprécieront son Puccini aussi tonitruant. La représentation était la 453e de la légendaire production de Franco Zeffirelli, qui date de 1963 (!!) et qu’on voit toujours aussi à Milan. Le spectacle n’a pas pris une ride ; il suit les intentions du compositeur à la lettre, avec une mansarde décrépie, un café Momus débordant de monde et de vie et une barrière d’Enfer embrumée sous la neige. En fin de compte, mieux vaut une représentation traditionnelle à l’ancienne, très premier degré, plutôt qu’une Bohème dans un vaisseau spatial...



Claudio Poloni

 

 

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