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E luceva Roberto Gstaad Eglise de Saanen 01/07/2023 - André Ernest Modeste Grétry : Zémire et Azor : « Du moment qu’on aime »
Edouard Lalo : Le Roi d’Ys : « Vainement ma bien‑aimée »
Fromental Halévy : La Juive : « Rachel, quand du Seigneur »
Camille Saint‑Saëns : Samson et Dalila, opus 47: « Vois ma misère »
Piotr Illitch Tchaïkovski : Eugène Onéguine, opus 24: « Kuda, kuda »
Serge Rachmaninov : Prélude en ré majeur, opus 23 n° 4
Richard Wagner : Lohengrin : « Mein lieber Schwan »
Jules Massenet : Le Cid : « O Souverain, ô juge ô père »
Giacomo Puccini : Tosca : « E lucevan le stelle » Roberto Alagna (ténor), Morgane Fauchois (piano) R. Alagna, M. Fauchois (© Patricia Dietzi)
La dix‑septième édition du Festival de Nouvel An de Gstaad s’est terminée en apothéose avec un récital de Roberto Alagna. Caroline Murat, fondatrice et directrice artistique de la manifestation, rêvait depuis longtemps d’inviter le célèbre ténor, un rêve qui s’est enfin réalisé, pour le plus grand bonheur d’un public conquis et ravi. Le chanteur a offert un florilège de grands airs du répertoire lyrique français, dans lequel il reste insurpassable aujourd’hui encore, après quarante ans de carrière. Si le premier air de la soirée – le très rare « Du moment qu’on aime » tiré de Zémire et Azor de Grétry – a pu susciter quelques inquiétudes en raison d’une émission instable et d’un léger vibrato, les craintes se sont très vite dissipées, car après ce tour de chauffe pour sa voix, Roberto Alagna a affiché une forme éblouissante. Que dire qui n’a pas encore été dit ? Les qualités du ténor français sont bien connues : une diction impeccable, permettant au public de comprendre chaque mot, un timbre solaire et généreux, des aigus lumineux et rayonnants, des pianissimi à peine audibles et très longuement tenus, un sens des nuances et des contrastes ainsi qu’un art de l’expressivité et de l’émotion, qui a atteint son paroxysme dans « Rachel, quand du Seigneur » extrait de La Juive d’Halévy et dans « Vois ma misère » tiré de Samson et Dalila de Saint‑Saëns.
Au cours de la soirée, Roberto Alagna a aussi abordé des airs des répertoires russe, allemand et italien, avec une diction toujours aussi remarquable dans toutes les langues. Son « Kuda, kuda » tiré d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski a été confondant d’élan et de lyrisme, alors que le célèbre « E lucevan le stelle » extrait de Tosca de Puccini n’a jamais paru aussi ardent et passionné. La seule réserve concerne « Mein lieber Schwan » tiré de Lohengrin de Wagner, que le ténor a attaqué de pleine voix, avec force et véhémence, alors qu’on aurait souhaité une interprétation plus intériorisée et nuancée, l’air étant une sorte de plainte, marquant les adieux de Lohengrin à Elsa.
Particulièrement généreux, Roberto Alagna a offert pas moins de huit bis, pour un public aux anges qui n’en espérait pas tant. Se transformant en véritable showman, il a pris visiblement du plaisir à dialoguer avec les spectateurs entre deux morceaux, à faire des blagues et à inciter le public à chanter avec lui. La soirée s’est terminée par une ovation debout. Accompagnant régulièrement Roberto Alagna, Morgane Fauchois s’est révélée une pianiste extrêmement sensible, faisant découvrir au public, avec le Prélude opus 23 n° 4, un Rachmaninov lyrique et élégiaque, à des années‑lumière de la virtuosité de ses concertos pour piano les plus célèbres.
Claudio Poloni
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