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Le Grand Siècle à Gstaad Gstaad Rougemont (Eglise) 01/02/2023 - Jean-Baptiste Lully : Les Amants magnifiques Elizabeth Fernandez (Eriphile, dessus), Cécile Van Wetter (dessus), Nicolas Ziélinski (Iphicrate, contre‑ténor), Cecil Gallois (Anaxarque, contre‑ténor), Christophe Crapez (Clitidas, taille), Jean‑Christophe Born (taille), Ladu Sergio (basse), Till Fechner (Sostrate, basse), Hubert Hazebroucq (danseur, chorégraphe), Michèle Larivière (Aristione), Charles Sigel (comédien)
Almazis Iakovos Pappas, Iakovos Pappas (direction musicale)
H. Hazebroucq, E. Fernandez, I. Pappas (© Patricia Dietzi)
Pour sa dix‑septième édition, le Gstaad New Year Music Festival met les petits dans les grands en invitant formations baroques prestigieuses (Les Arts florissants, L’Orchestre royal de Versailles, l’ensemble Almazis Iakovos Pappas) et voix parmi les plus recherchées de notre temps (ici, Roberto Alagna, Nadine Sierra, Catherine Trottmann...), grâce à différents donateurs dont la plus grande mécène actuelle du monde musical, Mme Aline Foriel‑Destezet.
Et c’est une carte blanche (sur quatre concerts) que l’infatigable princesse Caroline Murat, directrice générale et artistique de la manifestation hivernale suisse, lui a offert. Mme Foriel‑Destezet a non seulement financé le premier concert auquel nous avons assisté, mais l’avait surtout choisi elle‑même : l’ensemble Almazis Iakovos Pappas, dirigé par son chef éponyme, pour une interprétation de la comédie‑ballet Les Amants magnifiques (en version de concert et réduite ici de moitié, soit à une heure et demie contre les trois heures que dure l’ouvrage) du duo Lully‑Molière, dont a célébré le quatrième centenaire de la naissance en 2022, tandis que ce sera cette année le trois cent cinquantième anniversaire de sa disparition. Composée et représentée à l’occasion du carnaval de février 1670, au cours de festivités nommées « Divertissement royal », le spectacle est entre autres choses resté célèbre car ce fut lors de cette représentation que le roi Louis XIV monta pour la dernière fois de sa vie sur scène en tant que danseur. L’ouvrage est également considéré comme l’ultime étape du spectacle « à la française », avant l’avènement de la tragédie lyrique, qui interviendra trois ans plus tard avec Cadmus et Hermione (1673). La comédie‑ballet est pour l’heure un genre à part, cohérent et abouti, tout en étant parfaitement hybride : divertissements chantés et dansés qui permettent d’associer au plaisir purement théâtral les fastes et féeries du traditionnel ballet à entrées, mais avec des intermèdes dansés habilement intégrés à l’action.
Côté musique, les mots qui nous viennent immédiatement à l’esprit sont évidence et naturel, tant pour les instrumentistes, dirigés avec énergie et sûreté par Iakovos Pappas, que pour les huit chanteurs, parfaits de voix, de style et d’élocution. La comédienne/conférencière Michèle Larivière (Aristione), incisive et racée, en reine mère de charme, mène le ballet, impeccablement orchestré, des prétendants, serviteurs et invités, tour à tour drôles, émouvants ou grotesques. On se réjouit de l’impeccable diction des contre‑ténors Nicolas Ziélinsky (Iphicrate) et Cecil Gallois (Anaxarque), de même du beau soprano d’Elisabeth Fernandez (Eriphile), rivalisant avec celui de Cécile Van Wetter, ou l’ardent ténor de Christophe Crapez (Clitidas), à l’origine tenu par Molière, personnage singulier, d’une drôlerie tout en finesse. Cette fine équipe est complété par les excellents Till Fechner (Sostrate), Jean‑Christophe Born (ténor), Ludu Sergio (basse) et... notre confrère Charles Sigel dans un rôle parlé !
Enfin, la partie chorégraphique, typique de la grammaire baroque et sur laquelle repose entièrement la partie visuelle de cette version de concert, est magistralement délivrée par le chorégraphe Hubert Hazebroucq, qui change de costumes (et de masques) à chaque nouvel intermède dansé (quatre ou cinq en tout), et s’avère un régal pour les yeux d’une assistance ravie.
Emmanuel Andrieu
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