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Ernani à la sauce flamande

Antwerp
Opera Vlaanderen
12/16/2022 -  et 18*, 20, 22, 23, 27, 29, 31 décembre 2022 (Antwerpen), 11, 14, 17, 19, 22 janvier 2023 (Gent)
Giuseppe Verdi : Ernani
Vincenzo Costanzo*/Denys Pivnitskyi (Ernani), Ernesto Petti (Don Carlos), Leah Gordon*/Sandra Janusaité (Elvira), Andreas Bauer Kanabas/Sava Vemic* (Don Ruy Gómez Da Silva), Elisa Soster (soprano solo), Dejan Toshev (ténor solo), Thierry Vallier (basse solo), Johan Leysen, Christine Sollie (comédiens)
Koor Opera Ballet Vlaanderen, Jef Smits (chef de chœur), Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, Julia Jones*/Alessandro Palumbo (direction musicale)
Barbora Horáková Joly (mise en scène), Eva‑Maria Van Acker (scénographie, costumes), Stefan Bolliger (lumières), Tabea Rothfuchs (vidéo)


(© Annemie Augustijns)


Beaucoup de livrets sont datés ou incohérents. Pourquoi ne pas leur donner un nouveau souffle en supprimant les personnages secondaires et en remplaçant les parties jugées plus faibles par un texte d’un auteur contemporain ? Voilà la démarche de l’Opéra des Flandres avec cette nouvelle production d’Ernani (1844).


Dans la mise en scène de Barbora Horáková Joly, sa première dans cette maison, seuls les quatre personnages principaux subsistent, tandis que quasiment tous les récitatifs du livret de Piave sont remplacés par un texte de Peter Verhelst, déclamé, en néerlandais, par le comédien Johan Leysen qui, vêtu d’un costume entièrement blanc, fait un peu penser à Leonard Bernstein. Malgré les sous‑titres en anglais et la prestation excellente de cet acteur réputé, nous nous détournons rapidement des écrits de nature poétique de cet auteur flamand, d’autant plus qu’ils interrompent intempestivement le flux musical qui perd ainsi de sa continuité et de sa tension. Cette initiative, que chacun appréciera en fonction de sa sensibilité et de son ouverture d’esprit, suscite le désir de réécouter une de ces grandes versions de référence.


En revanche, la mise en scène et la scénographie, d’une symbolique un peu trop souvent absconse, nous intéressent la plupart du temps par leurs idées assez abouties et innovantes, en particulier ces créations vidéos qui présentent de mystérieux personnages qui se meuvent lentement ou ces costumes, notamment celui porté au début par Elvira, constitué de cordes. Toutefois, la direction d’acteur tombe parfois dans la caricature du mauvais Regietheater, avec le suicide d’Elvira, qui se coupe les veines, ou le recours à des mitraillettes, tarte à la crème de ces mises en scène prétendument modernes, mais en réalité déjà d’un autre âge. L’abstraction alterne aussi avec le concret, pour preuves, d’un côté, ces plateformes en néon et ce cube, de l’autre, cette cuisine éclairée en rouge jointe à cette salle à manger illuminée en bleu. La dimension purement scénique de cette production paraît en fin de compte plutôt réussie par sa cohérence visuelle et sa puissance dramatique. Attentive à la psychologie des personnages, Barbora Horáková Joly parvient à insuffler des idées neuves à la représentation de ce genre d’ouvrage qui risque de virer vers la grandiloquence ou la mièvrerie s’il se retrouve entre les mains d’un metteur en scène davantage versés dans les lectures littérales. Mais cette proposition artistique pour le moins radicale n’est‑elle pas trop prétentieuse ?


La distribution pour les quatre personnages principaux réunit des chanteurs peu connus pour le moment, mais si l’Opéra des Flandres ne manque habituellement pas de ressources pour dénicher des artistes à haut potentiel, nous restons, cette fois, sur notre faim. Le rôle‑titre dépasse de toute évidence les capacités de Vincenzo Costanzo, qui ne s’épargne vraiment pas, acceptant même, à la fin, d’apparaître seulement vêtu d’un caleçon, de surcroît mal ajusté. Le timbre peine, en effet, à séduire et la voix, qui atteint plus d’une fois ses limites, manque presque de se briser sous les assauts de décibels et d’intensité. Annoncé souffrant, Ernesto Petti accomplit ce qu’il peut en Don Carlos, mais son état ne lui permet pas de rendre totalement justice à ce personnage et surtout à convaincre de sa maîtrise du chant verdien. La prestation soignée de Sava Vemic ne manque pas d’atouts mais cette basse serbe campe un Don Ruy vraiment trop jeune pour convaincre. Seule Leah Gordon se démarque réellement par sa constance, la justesse de son incarnation, sa tenue vocale, en dépit d’un vibrato un peu trop marqué.


Les choristes de l’Opéra des Flandres restent fidèles à leur réputation de maîtrise et d’engagement, tandis que l’orchestre affiche suffisamment de vigueur et discipline, à défaut de finesse et d’élégance, sous la direction assez peu marquante mais compétente et sans fioriture de Julia Jones, qui a bien voulu prendre part à ce projet osé. Comme cela arrive souvent dans cette salle, une bonne partie du public se lève pour applaudir les chanteurs et le chef, marque ultime de reconnaissance selon nous injustifiée à l’issue de cette représentation dérangeante mais qui a au moins le mérite de susciter la réflexion.



Sébastien Foucart

 

 

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