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Le renouveau dans la continuité Tournai Maisons romanes 12/17/2022 - Edvard Grieg : Quatuor, opus 27
Joseph Kosma : Les Feuilles mortes (arrangement Tōru Takemitsu)
Claude Debussy : Quatuor, opus 10 Quatuor GoYa: Sylvia Huang, Mirelys Morgan Verdecia (violon), Saeko Oguma (alto), Honorine Schaeffer (violoncelle)
(© Quatuor GoYa)
Pour sa vingt‑et‑unième édition, les Voix intimes, le festival européen du quatuor à cordes de Tournai, ne propose pas vraiment, cette fois‑ci, de thème ou de fil conducteur, mais il mise plutôt sur le renouveau dans la continuité, la jeunesse et l’audace, avec, entre autres, la participation, le 29 janvier, d’une formation, le Vision String Quartet, qui proposera une expérience originale mêlant pop, rock, funk, folk et minimalisme, et, pour la première fois, un concours international de composition de quatuor à cordes, dont les œuvres primées seront exécutées, le 18 février, par le Quatuor MP4.
Autre initiative, la présentation des concerts par un jeune musicologue, en l’occurrence, pour le premier rendez‑vous de cette saison, Hugo Rodriguez, de l’Université libre de Bruxelles, actuellement collaborateur scientifique à la Bibliothèque royale de Belgique. Le chercheur parvient avec enthousiasme et précision à établir un lien entre les deux principales œuvres du programme, le Quatuor (1878) de Grieg et celui (1893) de Debussy, en évoquant Franck et Ysaÿe, ainsi que la Société nationale de musique qui a été créée, notamment, par Saint‑Saëns, dont l’importance et l’influence dans la vie musicale de cette époque ne cessent décidément de fasciner.
Le nom du premier violon est bien connu en Belgique : Sylvia Huang a remporté le prix du public au Concours Reine Elisabeth il y a trois ans, ainsi que le Prix Caecilia de la Jeune musicienne de l’année 2019, décerné par l’Union de la Presse musicale belge. La musicienne a fondé en 2014, avec trois autres collègues de l’Orchestre royal du Concertgebouw, le Quatuor GoYa. S’agissant d’une des meilleures formations symphoniques au monde, autant dire que cet ensemble affiche un niveau élevé.
Outre la richesse de sa sonorité, ce quatuor entièrement féminin se distingue par sa grande cohésion, ce qui n’empêche pas d’apprécier individuellement la personnalité et la maîtrise de chacune de ses membres. Il délivre du Quatuor de Grieg une interprétation vigoureuse et tranchée, parfois presque trop anguleuse. La précision des échanges et des attaques, la netteté des débuts et des fins de phrase, témoignent d’une mise en point rigoureuse et d’un travail approfondi sur le texte. La gestion des tempi et de la dynamique ne souffrent d’aucun reproche. Un discours aussi concentré conviendra‑t‑il au Quatuor de Debussy ? Oui, d’autant plus que la formation veille, dans cette partition, à la respiration, ce qui aide à en restituer la dimension évocatrice, en particulier dans le mouvement lent. Comme dans l’œuvre précédente, le Quatuor GoYa maintient fermement la ligne directrice, ce qui aboutit, là aussi, à une lecture d’une grande pertinence, à la fois cohérente et détaillée. Dans un parfait esprit de musique de chambre, les interprètes illustrent ainsi remarquablement les différences d’écriture de cette deux partitions que quinze années seulement séparent.
Au début de la seconde partie, le Quatuor GoYa joue Les Feuilles mortes de Kosma, dans un arrangement de Takemitsu, mais cette pièce aurait pu tout aussi bien faire l’objet d’un bis. Pour remercier le public, silencieux et attentif, elles choisissent plutôt d’exécuter le dernier mouvement du Quatuor « Américain » de Dvorák en livrant une preuve supplémentaire de leur potentiel et de leur expressivité. Cette excellente formation mérite de bénéficier d’une meilleure notoriété, et il faut saluer la persévérance de Proquartetto, l’association qui organise ce festival, de programmer ce genre de jeunes formations prometteuses plutôt que de se limiter, par facilité ou sécurité, aux plus illustres.
Le site des Voix intimes
Le site du Quatuor GoYa
Sébastien Foucart
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