About us / Contact

The Classical Music Network

Eindhoven

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Une réussite

Eindhoven
Breda (Chassé Theater)
12/08/2022 -  et 12 (Maastricht), 15 (Utrecht), 17 (Tilburg), 22 (Eindhoven), 24, 26 (Luxembourg) novembre, 1er (Heerlen), 6 (Rotterdam), 11 (Maastricht) décembre 2022
Kurt Weill : Lady in the Dark
Sylvia Poorta (Docteur Brooks), Maartje Rammeloo*/Alexia Macbeth (Liza Elliott), Elliott Carlton Hines (Charley Johnson), Simon Butteriss (Russell Paxton), Quirijn de Lang (Randy Curtis), Jeremy Finch White (Kendall Nesbitt), Veerle Sanders (Elinor Foster), Nienke Nasserian (Maggie Grant)
Theaterkoor Opera Zuid, Jori Klomp (chef de chœur), Philharmonie Zuidnederland, David Stern (direction musicale)
Anna Pool (mise en scène), Madeleine Boyd (décors, costumes), Bretta Gerecke (lumières), Rebecca Howell (chorégraphie), Joep Hupperetz (dramaturgie)


(© Bjorn Frins)


Fondée en 1991 à Maastricht, la compagnie Opera Zuid monte trois ouvrages lyriques chaque année, en rayonnant autour de sa ville d’origine et jusqu’au Luxembourg pour la présente coproduction. C’est ainsi l’occasion de découvrir les charmantes citées du sud des Pays‑Bas, en dehors des circuits battus : ainsi de Breda (180 000 habitants), à mi‑chemin entre Anvers et Rotterdam, dont le centre historique a conservé tout son charme d’antan. Comme la plupart des villes du pays, Breda s’est dotée en 1995 d’un complexe ultra moderne, le Chassé Theater (du nom d’un général aux lointaines origines françaises) : avec son cinéma et ses trois salles de jauge différente, le lieu résonne d’une vitalité inattendue dans les espaces communs, avec ses deux bars bien remplis.


C’est dans la grande salle de 1 430 places, dotée de deux balcons, que prend place la nouvelle production de Lady in the Dark (1941), avec le soutien de la fondation Kurt Weill : on retrouve là un des ouvrages les plus savoureux de son auteur, qui avait été créé en France par Jean Lacornerie en 2008, lors d’une vaste tournée. La période américaine de Weill reste sous‑estimée du fait de l’évolution de son langage, désormais plus tonal et empruntant aux musiques populaires de son pays d’accueil. On a ainsi plusieurs fois envie de battre la mesure avec le pied, de swinguer avec les airs aux mélodies entraînantes et au lyrisme enivrant.


L’orchestration pour vingt instruments fait la part belle aux fanfares de cuivre et aux percussions, sans jamais verser dans la facilité, tout en apportant un soin particulier aux transitions entre les tableaux. A l’instar de l’opéra Le Lac d’argent (voir ici la récente production flamande), cette comédie musicale ou brodway opera (comme l’appellent plus justement les Néerlandais) laisse une place conséquente aux dialogues parlés, ici en grande partie maintenus, tout en abordant une thématique originale, la psychanalyse. En décryptant trois rêves délirants de l’héroïne, Weill et son librettiste donnent à voir des tableaux aussi surprenants que parfaitement différenciés, permettant de saisir au III le traumatisme des humiliations enfantines de l’héroïne, brisée par le souvenir d’une chanson en apparence anodine.


La mise en scène d’Anna Pool brille de mille feux en se jouant avec virtuosité des enchaînements, revisitant son décor unique en une élégance toute chorégraphique dans les mouvements du chœur et des personnages. Les clins d’œil à la revue américaine glamour font place aux visions plus cauchemardesques au II, lorsque la fausse cérémonie de mariage tourne au vinaigre, sans parler des forains aussi délurés qu’inquiétants au III. Le travail minutieux sur l’élaboration des costumes, comme celui apporté à la direction d’acteur, toujours au service des moindres inflexions musicales, donne beaucoup de saveur à cette production, justement applaudie par une assistance debout en fin de représentation.


En dehors des rôles uniquement parlés, tous admirables au premier rang desquels Sylvia Poorta (Docteur Brooks) et ses graves pénétrants, la production repose sur les interprétations des rôles devant maîtriser aussi bien des qualités vocales que théâtrales. Ainsi de Maartje Rammeloo (Liza Elliott), omniprésente tout du long, qui fascine par son aisance scénique et sa fluidité de phrasés, à l’aise sur toute la tessiture. On aimerait toutefois davantage de prise de risque au niveau vocal pour mieux incarner la démesure des rêves de puissance et de désir, en comparaison des parties plus intimistes, plus convaincantes. Si on est plus déçu par le timbre ingrat de Quirijn de Lang (Randy Curtis), au charisme limité pour son rôle, la grande satisfaction de la soirée revient au pétillant Simon Butteriss (Russell Paxton), à l’énergie débordante. Son air de bravoure au III, où il cite en rafale les noms de compositeurs russes (dont... Moniuszko !), lui permet de faire valoir ses superlatives qualités de diction. A ses côtés, Elliott Carlton Hines (Charley Johnson) et Jeremy Finch White (Kendall Nesbitt) assurent bien leur partie, mais on est plus charmé encore par les délicieuses Veerle Sanders (Elinor Foster) et Nienke Nasserian (Maggie Grant), très engagées tout du long.


Le chœur donne lui aussi beaucoup de satisfactions, mais pâtît d’une balance en sa défaveur, l’orchestre et les solistes étant notablement plus sonorisés en comparaison. A la tête de la Philharmonie du Sud des Pays‑Bas, un ensemble de qualité, David Stern opte pour des tempi vifs, avançant sans trop se poser de questions. On aimerait parfois que le chef américain fouille davantage les rares modernités de la partition, mais son geste touche au but par son sens du théâtre, naturel et sans esbroufe.


Outre la création d’Andere die Welt! de Pedro Beriso (né en 1987) en mars prochain, Opera Zuid présentera une nouvelle production d’Orphée aux Enfers d’Offenbach, en mai. Avant cela, en février, les amateurs de l’art de Kurt Weill devront rejoindre le Komische Oper de Berlin pour la création attendue de sa dernière comédie musicale inachevée, Tom Sawyer (1950), reconstruite par Tobias Ribitzki à partir de plusieurs chansons écrites pendant sa période américaine.



Florent Coudeyrat

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com