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Lohengrin en survêt München Nationaltheater 12/03/2022 - et 7, 11, 14, 17, 21 décembre 2022, 16, 19 juillet 2023 Richard Wagner : Lohengrin Mika Kares (Heinrich der Vogler), Klaus Florian Vogt (Lohengrin), Johanni van Oostrum (Elsa von Brabant), Johann Reuter (Friedrich von Telramund), Anja Kampe (Ortrud), André Schuen (Der Heerrufer des Königs), Liam Bonthrone, Granit Musliu, Gabriel Rollinson, Roman Chabaranok (Vier brabantische Edle), Solistes du Chœur d’enfants de Tölz (Vier Edelknaben), Levi Schudel (Herzog Gottfried)
Bayerischer Staatsopernchor und Extrachor der Bayerischen Staatsoper, Tilman Michael (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, François‑Xavier Roth (direction musicale)
Kornél Mundruczó (mise en scène), Marcos Darbyshire (assistant à la mise en scène), Monika Pormale (décors), Anna Axer Fijalkowska (costumes), Felice Ross (lumières), Kata Wéber, Malte Krasting (dramaturgie)
(© Wilfried Hösl)
Tout comme pour le récent Così fan tutte, le Bayerische Staatsoper a fait appel pour cette nouvelle production de Lohengrin à un metteur en scène qui, entre autres, s’est illustré au cinéma. Kornél Mundruczó a réalisé des productions d’une grande intensité, en particulier au Grand Théâtre de Genève, d’œuvres comme L’Affaire Makropoulos de Janácek ou Sleepless de Peter Eőtvős, tout en voyant ses activités de réalisateur reconnues au Festival de Cannes ou sur Netflix.
Les opéras de Wagner sont des œuvres d’une nature très différente. S’ils durent plusieurs heures, l’action est concentrée en quelques minutes. Ce sont des opéras qui ne sont pas, pour citer la qualification que donnait ConcertoNet de L’Affaire Makropoulos, des thrillers. L’art du metteur en scène est de savoir illustrer tous ces moments où le temps se suspend. Il y a certes, dans la conception de Kornél Mundruczó, une idée de fond intéressante, qui fait de Lohengrin non pas un sauveur tombé du ciel mais une personne « normale » issue du rang. Mais une fois ces éléments évoqués, la production est un peu indifférente. Qui sont ces foules en survêtements grisâtres ? Que signifient la symbolique de ces pierres, ces références à la nature... ? Tout ceci n’est pas très clair, pas très intéressant, un peu décevant et peut‑être pas très important...
Mais nous sommes à Munich et le niveau musical est très élevé. François‑Xavier Roth faisait ici ses débuts dans cette fosse et, il me semble, ses débuts dans un opéra de Wagner. Sous sa baguette, l’orchestre présentait des textures un peu allégées, le Prélude du premier acte démarrant avec des cordes au très léger vibrato. Il y a également un sentiment que certains passages sont un peu tronçonnés et non traités avec une grande ligne allemande. Mais de façon générale, l’ensemble était théâtral au meilleur sens du terme. Les chanteurs étaient soutenus avec grand soin. Le troisième acte avait un réel élan contagieux. Les chœurs étaient superbes et si la mise en scène ne sait pas très bien comment les utiliser, elle sait comment les placer de façon étagée afin que le son ressorte avec couleur et puissance.
La distribution réunie est d’un très haut niveau. André Schuen est un Héraut avec beaucoup d’autorité que l’on va sûrement entendre dans de nombreux rôles wagnériens. Johann Reuter est un Telramund aux couleurs sombres. Anja Kampe faisait ici ses débuts en Ortrud. C’est la Brünnhilde de notre génération mais l’intelligence du texte et la puissance de la voix compensent amplement le fait qu’elle n’a pas les couleurs d’une mezzo. La Sud‑Africaine Johanni van Oostrum faisait ses débuts dans le rôle d’Elsa. Elle n’a pas un allemand aussi clair que ses collègues et cherche par moments comment placer sa voix mais trouve au fil de la soirée la stature du rôle. Lohengrin est probablement le meilleur rôle de Klaus Florian Vogt, une incroyable technique vocale avec probablement la voix de tête idéale et, en même temps, l’autorité du texte et une qualité de timbre d’un réel ténor. Enfin, Mika Kares nous donne une lecture assez extraordinaire du Roi Heinrich. On connaît la puissance de son chant mais sa lecture, en particulier au premier acte, avait une autorité qui n’était pas sans évoquer ce que faisait dans ce même lieu un Kurt Moll.
Le public a fait un triomphe aux musiciens pour cette première donnée dans une salle comble. A nouveau de nos jours, il n’est pas besoin d’aller à Bayreuth pour avoir un tel niveau. Ce spectacle sera donné plusieurs fois en décembre avant d’être repris pour le festival de juillet.
Antoine Lévy-Leboyer
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