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Une rareté imméritée

Liège
Opéra royal de Wallonie
11/25/2022 -  et 27*, 29 novembre, 1er, 3 décembre 2022
Giuseppe Verdi : Alzira
Francesca Dotto (Alzira), Luciano Ganci (Zamoro), Giovanni Meoni (Gusmano), Luca Dall’Amico (Alvaro), Roger Joakim (Ataliba), Marie‑Catherine Baclin (Zuma), Zeno Popescu (Otumbo), Alexander Marev (Ovando)
Chœur de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Giampaolo Bisanti/Leonardo Sini* (direction musicale)
Jean Pierre Gamarra (mise en scène, lumières), Lorenzo Albani (décors, costumes)


(© Opéra royal de Wallonie-Liège/Jonathan Berger)


Une rareté, sans aucun doute. Parmi les opéras des « années de galère », Alzira (1845) est l’un des moins représentés, et détient probablement ce record. Malgré un livret peu captivant, la musique de cette œuvre de moins de deux heures va droit au but, et ne manque ni de séduire ni de convaincre, à condition de l’accepter comme telle, sans vouloir y retrouver les fulgurances des meilleurs ouvrages. L’Ouverture, déjà, attire l’attention par sa finesse et ses thèmes mais la partition offre par la suite des moments assez inspirés. En montant cet ouvrage, programmé, à l’origine, en avril 2020, en collaboration avec le Grand théâtre national du Ministère de la culture du Pérou, l’Opéra royal de Wallonie crée donc un véritablement évènement.


Une version de concert aurait‑elle suffi ? Oui, probablement, mais il aurait été vraiment dommage de ne pas profiter de la belle et simple scénographie de cette mise en scène. Jean Pierre Gamarra développe de nobles et pertinentes intentions pour traduire sur le plateau cette histoire qui se déroule chez les Incas, sous l’occupation espagnole. Alzira, une princesse, refuse de se donner à Gusmano, le gouverneur. Elle aime, en effet, Zamoro qu’elle croit mort, à tort. Voici à nouveau une histoire d’amour contrariée dans un tragique contexte historique. Le metteur en scène parvient à concrétiser ses idées, malgré une direction d’acteur à l’intensité variable, trop statique, cependant, en particulier dans la première partie. Agréablement dépouillé, le dispositif évite toute fantaisie, à l’image de la musique, dépourvue de référence aux idiomes sud‑américains ou prétendument exotiques, et recourt à une symbolique parcimonieuse, mais pertinente et claire ; la plus belle demeure celle relative à la terre, représentée sous la forme d’une plateforme recouverte de sable et d’herbes. Et le metteur en scène, sans révolutionner le métier, sans non plus faire preuve d’audace ou d’originalité, assure une certaine continuité dramatique, en dépit de la découpe traditionnelle en numéros.


Les chanteurs confèrent un certain relief à des personnages stéréotypés et peu consistants en regard de ceux des plus illustres opéras de Verdi. Par sa présence, superbe, et sa voix, séduisante, Francesca Dotto incarne le rôle‑titre avec un solide métier et une juste intensité. De puissance, Luciano Ganci n’en manque certainement pas, d’expressivité, non plus, mais la ligne de chant manque presque de se briser dans les moments les plus soutenus. Le ténor signe toutefois en Zamoro une prestation généreuse et chaleureusement applaudie. Le personnage de Gusmano convient bien à la voix et à l’autorité naturelle de Giovanni Meoni qui chante dans un style irréprochable, sans excès de mordant et de décibels. Le gouverneur parait grâce à cet excellent chanteur aussi intéressant que les deux autres personnages principaux de ce trio conflictuel. Les autres rôles sont assez bien tenus mais il faut reconnaitre que Luca Dall’Amico ne parvient pas tout à fait à marquer les esprits en Alvaro, personnage, à sa décharge, relativement peu développé dans ce livret inspiré de Voltaire, alors que Marie‑Catherine Baclin réussit à mieux se démarquer en Zulma. Les fidèles Roger Joakim et Zeno Popescu complètent soigneusement la distribution en Ataliba et Otumbo, tandis que le jeune Alexander Marev continue à consolider son métier en Ovando, en espérant le retrouver plus tard dans un rôle plus substantiel.


L’actuel directeur musical, Giampaolo Bisanti, cède le pupitre à Leonardo Sini pour la représentation du dimanche après‑midi. L’orchestre sonne avec fermeté et précision, lyrisme et intensité, en équilibre avec le plateau. Le chef veille aussi à la clarté, ce qui permet d’apprécier le jeu précis des bois. Quant aux choristes, rigoureusement préparés par Denis Segond, ils exécutent leur partie avec autant de soin et de verve que leurs collègues dans la fosse. Cette production défend ainsi remarquablement Alzira qui mérite de figurer aussi fréquemment à l’affiche que Giovanna d’Arco ou Attila.



Sébastien Foucart

 

 

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