About us / Contact

The Classical Music Network

Bergamo

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Une favorite, des favorites

Bergamo
Teatro Donizetti
11/18/2022 -  et 27 novembre, 3 décembre 2022
Gaetano Donizetti : La Favorite
Annalisa Stroppa (Léonor de Guzman), Javier Camarena (Fernand), Florian Sempey (Alphonse XI), Evgeny Stavinsky (Balthazar), Edoardo Milletti (Don Gaspar), Caterina Di Tonno (Inès), Alessandro Barbaglia (Un seigneur)
Coro Donizetti Opera, Coro dell’Accademia Teatro alla Scala, Salvo Sgrò (préparation), Orchestra Donizetti Opera, Riccardo Frizza (direction musicale)
Valentina Carrasco (mise en scène), Giulia Randazzo (assistante à la mise en scène), Carles Berga, Peter van Praet (décors), Chiara La Ferlita (assistante aux décors), Silvia Aymonino (costumes), Hanna Gelesz (assistante aux costumes), Peter van Praet (lumières), Massimiliano Volpini (chorégraphie)


(© Gianfranco Rota)


L’édition 2022 du Festival Donizetti de Bergame – la huitième du nom – s’est ouverte avec une nouvelle production de La Favorite. Si l’ouvrage n’est pas une rareté à proprement parler, il n’est pas non plus – loin de là – un « tube » du répertoire lyrique, et chaque nouvelle production est à saluer, surtout s’il s’agit de la version originale en français et intégrale, comme c’est le cas à Bergame, ville natale du compositeur. La Favorite, grand opéra en quatre actes, a été créé à Paris en décembre 1840. C’est le quatrième opéra de Donizetti en langue française. Une version italienne a été donnée à Padoue avec le titre Leonora di Guzman en 1842, puis à la Scala en 1843 sous le titre Elda ossia la favorita. Donizetti a utilisé une grande partie de la partition d’un opéra précédent, L’Ange de Nisida.


L’histoire de La Favorite se déroule au début du XIVe siècle en Espagne, dans le contexte de l’occupation du pays par les Maures et des luttes de pouvoir entre l’Eglise et l’Etat. Le roi de Castille, Alphonse XI, a une maîtresse, « la favorite », laquelle aime Fernand, qui, pour pouvoir vivre pleinement son amour, a quitté le monastère où il entendait se retirer. Pour la metteur en scène argentine Valentine Carrasco, qui a longtemps fait partie du collectif La Fura dels Baus avant d’entamer une carrière en solo, il est significatif que l’ouvrage s’intitule La Favorite et non Léonor de Guzman, laquelle a réellement existé, a partagé la vie du roi et lui a donné onze enfants, dont l’héritier de la couronne : la fonction de favorite est plus importante que le nom de la personne qui l’occupe, ou plutôt des nombreuses personnes qui l’occupent si on veut être précis. Valentina Carrasco a ainsi proposé une version féministe de l’ouvrage de Donizetti, en ce sens qu’elle s’est intéressée au destin de ces favorites, ces femmes qui perdent leur identité pour remplir une fonction, qui passent leur vie à attendre dans les chambres d’un palais et qui finissent par être délaissées et tomber dans l’oubli. Soucieuse de l’unité dramatique, ne pouvant concevoir que l’action s’arrête une vingtaine de minutes pour laisser la place au traditionnel ballet propre au grand opéra français, elle a demandé à une trentaine de femmes de Bergame de tous les âges d’incarner, pendant la musique de ballet justement, qui n’a pas été coupée, les anciennes favorites du souverain en train de se faire belles pour une fête qui n’aura finalement jamais lieu. Elles se coiffent, se maquillent, mettent des fleurs à leurs cheveux puis sombrent dans une sorte d’état second à force d’avoir attendu pour rien. Le propos est intelligent et cohérent. L’action se déroule dans des lieux clos et oppressants : un monastère aves ses énormes grilles et la chambre des favorites avec d’immenses tentures, sous de splendides éclairages.


Florian Sempey est le seul francophone de la distribution et cela s’entend. Il campe un Alphonse XI noble et altier, à la belle prestance physique, désinvolte et cynique à la fois, à la diction impeccable, à l’émission bien projetée et aux accents puissants, même s’il a parfois tendance à en faire un peu trop dans les sonorités, à la limite du cabotinage. Si la diction du ténor mexicain Javier Camarena n’est pas aussi claire et précise, il ne fait cependant aucun doute que le chanteur a beaucoup travaillé son français. On admire chez son Fernand son phrasé élégant et son sens de la ligne, ainsi que l’aplomb de ses aigus stratosphériques, qui ne sonnent jamais forcés. Le grand air « Ange si pur », peut‑être le morceau le plus connu de l’opéra, est particulièrement applaudi. La première Favorite d’Annalisa Stroppa marquera très certainement un tournant dans la carrière de la mezzo italienne, jusqu’ici plutôt abonnée aux rôles secondaires. La chanteuse a tous les atouts pour marquer le personnage de son empreinte : une voix ample et homogène sur toute la tessiture, un timbre particulièrement charnu et corsé, une musicalité et une technique jamais prises en défaut, un sens des nuances évident, mais aussi une remarquable prestance physique qui rend sa favorite attirante et sensuelle à la fois, dans sa splendide robe fuchsia, mais aussi frêle et émouvante. Un seul bémol : un français pas toujours compréhensible. Parmi les rôles secondaires, on retiendra le Balthazar d’Evgeny Stavinsky, à la voix profonde et caverneuse. Dans la fosse, Riccardo Frizza, par ailleurs directeur musical du Festival Donizetti, a imprimé élan et vitalité à la soirée, avec des tempi enlevés et une large palette de nuances, sans réussir toutefois à éviter une certaine lourdeur. Un spectacle qui a ouvert en beauté le Festival Donizetti 2022. La manifestation se poursuivra jusqu’au 4 décembre, avec deux véritables raretés : Chiara e Serafina et L’ajo nell’imbarazzo.



Le site du Festival Donizetti


Claudio Poloni

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com