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Irrésistible Toulon Opéra 11/18/2022 - et 20, 22 novembre 2022 Adolphe Adam : Si j’étais roi Armelle Khourdoïan (Néméa), Eleonora Deveze (Zélide), Stefan Cifolelli (Zéphoris), Jean‑Kristof Bouton (Moussol), Nabil Suliman (Kadoor), Valentin Thill (Piféar), Mikhael Piccone (Zizel)
Chœur de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Toulon, Robert Tuohy (direction musicale)
Marc Adam (mise en scène), Roy Spahn (décors), Magali Gerberon (décors, costumes), Hervé Gary (lumières), Paulo Correia (vidéo)
(© Jean‑Michel Elophe Photographe)
Hormis Le Postillon de Lonjumeau (1836), revisité en 2019 à l’Opéra‑Comique, et le ballet Giselle (1841), les ouvrages d’Adolphe Adam sont aujourd’hui tombés dans l’oubli, à l’instar de ceux de Daniel-François-Esprit Auber, autre compositeur français emblématique de son temps. On ne peut donc que se féliciter des initiatives de l’Opéra de Toulon pour faire vivre ce répertoire mésestimé, comme en 2016 avec Le Chalet, et aujourd’hui Si j’étais roi (1852), un des derniers succès de la carrière de l’ancien élève de Boieldieu. A la manière des ouvrages qui moquent la crédulité des puissants en leur donnant à voir un monde imaginaire (voir notamment Le Monde de la lune de Haydn), Adam et ses librettistes font vivre au pêcheur Zephoris une unique journée de chimère, où le malheureux se voit convaincre de ses éphémères attributs royaux. Ce sera pour lui l’occasion de révéler sa clairvoyance et sa bravoure, autant de qualités décisives pour mériter la main de la belle princesse Zélide.
Dès l’Ouverture, le metteur en scène Marc Adam (aucun lien de parenté avec le compositeur) donne à voir le fossé social qui sépare les deux futurs tourtereaux, réunis au musée devant une immense toile marine : pendant que la jeune fille s’entraîne devant son chevalet à copier le tableau, son futur promis tente maladroitement d’attirer son attention en négligeant ses tâches ménagères, ce qui lui vaut d’être rabroué par son supérieur en plusieurs saynètes comiques. Puis une double mise en abîme nous entraine dans le tableau qui prend vie peu à peu sous nos yeux : les personnages endossent leurs rôles véritables, avant d’en sortir à nouveau pour se livrer au jeu de dupe du pêcheur. Ces allers‑retours savoureux donnent une hauteur de vue inattendue à ce livret certes charmant mais aux rebondissements prévisibles, à même de mettre en relief le périple initiatique de Zephoris et sa fable morale intemporelle. On tient là un travail richement illustré (notamment les splendides costumes d’époque imaginés par Magali Gerberon), soutenu par une direction d’acteur vivante et attentive aux moindres détails.
On découvre là un compositeur au faîte de ses moyens, toujours aussi en verve dans l’éclat et la myriade de couleurs apportés aux différents tableaux, admirablement différenciés. Ce brio est mis en valeur par le geste allégé du chef américain Robert Tuohy, qui nous régale des lignes claires et des mélodies gracieuses, toujours entremêlées de rythmes entrainants, à la manière de Rossini. Si le chant est moins virtuose que celui du maître italien, l’imbrication naturelle de la déclamation avec la musique est un ravissement constant, parfaitement rendu par l’excellent plateau vocal réuni.
Impeccable au niveau théâtral, Stefan Cifolelli (Zéphoris) déçoit malheureusement dans les parties chantées, où son manque de puissance est patent, surtout dans les ensembles. C’est d’autant plus regrettable que le ténor belge a pour lui un timbre séduisant, sans parler du style, toujours à propos. On lui préfère toutefois le Piféar de Valentin Thill, beaucoup plus à l’aise techniquement. Mais la grande révélation de la soirée est incarnée par l’irrésistible Moussol de Jean‑Kristof Bouton, aussi puissant que précis dans ses phrasés gorgés d’intentions. On aime aussi la délicieuse Néméa d’Armelle Khourdoïan, d’une souplesse radieuse dans les vocalises, tout particulièrement l’air (annonciateur de l’air des bijoux de Gounod) où Zephoris la couvre de cadeaux. On note que ce rôle difficile a jadis été chanté par la jeune Natalie Dessay, à l’Opéra de Liège, en 1990 (date de la dernière production de l’ouvrage sur scène). Malgré quelques raideurs, Eleonora Deveze (Zélide) et Nabil Suliman (Kadoor) font valoir leur beau timbre, tandis que le solide Mikhael Piccone (Zizel) assure bien sa partie. On mentionnera encore la prestation réussie du Chœur de l’Opéra de Toulon, bien préparé dans ses nombreuses interventions, notamment pour l’articulation avec la fosse.
Prochain événement à ne pas manquer à Toulon pour les fêtes de fin d’année, la reprise très attendue de La Périchole d’Offenbach, qui vient de triompher à Paris sous les auspices de Laurent Pelly (voir ici). Plateau vocal de haute volée en vue avec Antoinette Dennefeld, Philippe Talbot et Alexandre Duhamel dans les rôles principaux : immanquable !
Florent Coudeyrat
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