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Vingt-cinq ans après, Offenbach encore et toujours

Paris
Théâtre des Champs‑Elysées
11/13/2022 -  et 14, 15*, 18, 19, 20 novembre 2022
Jacques Offenbach : La Périchole
Marina Viotti/Antoinette Dennefeld* (La Périchole), Stanislas de Barbeyrac (Piquillo), Laurent Naouri*/Alexandre Duhamel (Don Andrès de Ribeira), Rodolphe Briand (Le Comte Miguel de Panatellas), Lionel Lhote (Don Pedro de Hinoyosa), Chloé Briot (Guadalena, Manuelita), Alix Le Saux (Berginella, Ninetta), Eléonore Pancrazi (Mastrilla, Brambilla), Natalie Pérez (Frasquinella), Eddy Letexier (Le vieux prisonnier, Le Marquis de Tarapote), Mitesh Khatri, Jean‑Philippe Fourcade (Notaires)
Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, Salvatore Caputo (chef de chœur), Les Musiciens du Louvre Marc Minkowski (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène, costumes), Chantal Thomas (scénographie), Michel Le Borgne (lumières)


(© Vincent Pontet)


Depuis l’Orphée aux enfers de 1997, Marc Minkowski et Laurent Pelly s’attachent à la défense et à l’illustration du génie comique d’Offenbach. Après La Belle Hélène, La Grande‑duchesse de Gérolstein, voici La Périchole. Entre Vittorio de Sica et Pedro Almodovar, le rideau s’ouvre sur un décor un peu lépreux, avec une Périchole et un Piquillo rockers SDF, le vice‑roi semblant sorti d’un film policier des années 1960. Le metteur en scène revient un peu au dernier acte d’Orphée aux enfers, tirant l’opéra‑bouffe vers la farce à travers une production très rythmée, dans ce style de la comédie musicale qu’il affectionne. Bref, Laurent Pelly tire toujours habilement les ficelles du comique, mais sait aussi s’affiner quand l’histoire devient celle d’un couple pris au triple piège de la misère, de la richesse et du pouvoir d’un tyran libidineux, en particulier au troisième acte, où la favorite retrouve son Piquillo entre les murs de son cachot – le deuxième acte parodie d’ailleurs ouvertement l’opéra de Donizetti. Sans tomber, justement, dans le misérabilisme : le décor du deuxième acte, avec ses grands miroirs aux cadres dorés, ressuscite à sa façon les fastes du Second Empire et ceux de l’opérette à grand spectacle d’antan. On regrette seulement, une fois de plus, qu’Agathe Mélinand, au prétexte de les rapprocher de nous, modifie les livrets de Meilhac et Halévy à coup de facilités racoleuses. Croit‑elle vraiment « rentrer [...] dans leur humour, leur folie, leurs bêtises », en transformant par exemple, dans la scène VI de l’acte I, « je commence à avoir un peu d’appétit » en « j’ai les crocs », « chien de pays » en « putain de pays », « fichue journée » en « saloperie de journée »  ? Est‑ce là « être percutant, scandaleux, comme eux. Ou du moins, essayer » ?


La fougue, parfois presque frénétique, de Marc Minkowski, donne à la production un irrésistible élan, quitte à conduire au bord de la rupture ses fidèles Musiciens du Louvre, qui ont soufflé cette année leurs quarante bougies. Mais le chef de théâtre sait aussi qu’Offenbach est un coloriste subtil, dont l’orchestre exhale des saveurs épicées, et qu’il faut parfois s’abandonner à la musique – on savoure l’Entracte précédent le III. Beau mezzo au timbre chaud, belle ligne de chant, Antoinette Dennefeld est coquine ou tendre, jamais vulgaire en chanteuse des rues – elle alterne avec Marina Viotti. Il lui manque seulement un peu de gouaille et de cet art de marier le dire et le chanter qui s’incarnait dans une tradition très française – qu’une Felicity Lott , après Régine Crespin, a perpétuée. Cela ôte du sel à « Mon Dieu ! Que les hommes sont bêtes » ou « Tu n’es pas beau, tu n’es pas riche ». Attendait‑on ici Stanislas de Barbeyrac, dont la voix aujourd’hui plus centrale, plus corsée et plus sombre ne rappelle guère celle d’un « ténor d’opérette », plus léger et plus aigu ? Même si les notes hautes accusent quelque tension, il fait sienne la tessiture de Piquillo, avec autant d’élégance que de décontraction, plus mûr, plus mâle que de coutume... et nous épate par ses dons de comédien en marginal gratteur de guitare. Fidèle du tandem Minkowski‑Pelly depuis les origines, Laurent Naouri n’a rien perdu de sa vis comica, ni de de sa voix, maître des mots et des notes, icône, pour le coup, d’une tradition séculaire, idéal en Don Andrès tyran de pacotille, à la fois truculent et pathétique – il alterne avec Alexandre Duhamel. Du reste de la distribution, plus que les trois cousines, on retiendra les impayables Comte Miguel de Rodolphe Briand et le Don Pedro de Lionel Lhote... et le chœur bordelais, bien en voix ce soir de troisième représentation.



Didier van Moere

 

 

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