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Enchanteresse Véronique Gens

Paris
Opéra Comique
11/05/2022 -  et 7*, 9, 11, 13, 15 novembre 2022
Christoph Willibald Gluck : Armide
Véronique Gens (Armide), Ian Bostridge (Renaud), Edwin Crossley‑Mercer (Hidraot), Anaïk Morel (La Haine), Philippe Estèphe (Aronte, Ubalde), Enguerrand de Hys (Artémidore, Le Chevalier danois), Florie Valiquette (Sidonie, Mélisse, Bergère), Apolline Raï‑Westphal (Phénice, Lucinde, Plaisir, Naïade), Fabien Almakiewicz, Nicolas Diguet, Mai Ishiwata (danseurs)
Les éléments, Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction musicale)
Lilo Baur (mise en scène), Bruno de Lavenère (décors), Alain Blanchot (costumes), Laurent Castaingt (lumières)


V. Gens (© Stefan Brion)


De Lully à Dvorák, en passant par la cantate Rinaldo de Brahms, Armide a enchanté les compositeurs. C’est celle de Gluck que l’Opéra-Comique vient de présenter, six ans après la version de concert dirigée par Marc Minkowski à la Philharmonie.


A-t-on gagné à voir le « drame héroïque » ? C’est peu probable. Lilo Baur, certes, se réfère pertinemment à La Jérusalem délivrée du Tasse, d’où Quinault a tiré le livret qui servit d’abord à Lully, et veut par exemple reconstituer la ceinture de la magicienne, où se déclinent ses amours. Le Cerbère tricéphale gardien de son palais est là aussi, représenté par trois danseurs, alors que les moucharabiehs rappellent l’Orient musulman. Il y a quelques symboles aussi : dans son jardin enchanté, d’un kitsch bollywoodien, un arbre est couvert ou dépouillé de ses feuilles, selon le sentiments de l’héroïne. Tout cela ne va pas très loin et, surtout, il ne se passe rien. On ne s’en étonne pas : une Lakmé représentée in loco il y a huit ans nous avait frappé par l’indigence de la production et l’inexistence de la direction d’acteurs, parfois poussée ici jusqu’au ridicule. C’est le degré zéro de la mise en scène, malgré les éclairages de Laurent Castaingt.


Même si l’on peut imaginer voix plus dramatique, surtout pour l’invective, Véronique Gens, accoutrée à la fin en amazone de série B, parvient pourtant à nous enchanter. La projection d’une voix à peine ridée, la qualité de l’articulation, l’art de la déclamation, le modelé de la ligne, la subtilité de la composition, tout chez elle incarne le grand style français, où la noblesse n’affadit jamais l’émotion. Et le dernier acte, où l’héroïne se brise, révèle de nouveau la tragédienne que l’on connaît. Le Renaud de Ian Bostridge, dont le passage peut se tendre aujourd’hui dangereusement pour ce rôle de ténor aigu, est loin de l’égaler, mais, si l’accent reste exotique, il respecte la prosodie, avec cette façon bien connue de parfois surexposer les mots, sans que le raffinement verse ici dans l’afféterie. On aimerait toutefois ressentir davantage un héros déchiré entre l’amour et le devoir, qui finit par s’arracher aux charmes de la magicienne.


Edwin Crossley‑Melcer a lui aussi le sens de la prosodie, mais son Hidraot énergique manque de ligne, surtout dans l’aigu. Anaïk Morel incarne‑t‑elle vraiment la Haine, comme jadis la formidable Ewa Podles, qu’on aurait cru venue du fond des enfers ? Elle a en tout cas le mérite de résister au tempo vertigineux adopté par Christophe Rousset, qui pourtant sait ce qu’est une voix. La Haine serait plutôt ici un double d’Armide – d’autant plus que les deux timbres sont loin de s’opposer. Le reste de la distribution illustre la bonne santé d’une école française : on ne résiste ni à la séduction de Florie Valiquette et Apolline Raï‑Westphal, ni à la vaillance Phlippe Estèphe et Enguerrand de Hys, tous quatre parfaits.


A la tête d’un orchestre aux sonorités parfois ingrates, surtout celles des cordes, Christophe Rousset dirige parfois très vite, toujours prompt à souligner les contrastes de couleurs, capable aussi de subtilité, notamment dans le ballet. Mais Marc Minkowski se montrait plus inventif et avait davantage le sens de la continuité dramatique.



Didier van Moere

 

 

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