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Destinée humaine Gent Opera Vlaanderen 10/28/2022 - et 30* octobre, 2, 4 novembre 2022 (Gent), 12, 14 mai 2023 (Montpellier) Robert Schumann : Szenen aus Goethes Faust Rafael Fingerlos (Faust, Doctor Marianus), Eleanor Lyons (Gretchen, Una Poenitentium), Ilker Arcayürek (Ariel, Pater Ecstaticus, Vollendeterer Engel, Jüngerer Engel), Lore Binon (Sorge, Magna Peccatrix), Sam Carl (Mephistopheles, Böser Geist, Pater Profundus), Zofia Hanna (Marthe, Schuld, Maria Aegyptiaca), Sara Jo Benoot (Mangel, Mater Gloriosa, Mulier Samaritana), Elisa Soster (Not), Yu‑Hsiang Hsieh (Pater Seraphicus)
Kinderkoor en Koor Opera Ballet Vlaanderen, Collegium Vocale Gent, Jan Schweiger (chef des chœurs), Antwerp Symphony Orchestra, Philippe Herreweghe (direction)
Julian Rosefeldt (mise en scène, vidéo), Femke Gyselinck (chorégraphie), Sammy Van den Heuvel (scénographie), Birgitt Kilian (costumes), Matthias Singer (lumières)
(© Annemie Augustijns)
Cet automne, l’Opéra des Flandres reprend, à Gand, les Scènes de Faust de Goethe, créées à la fin de la saison dernière, à Anvers, avant que le coproducteur, l’Opéra national de Montpellier, ne les programme à son tour, en mai, pour deux représentations. C’est Philippe Herreweghe qui a suggéré l’idée à Jan Vandenhouwe, le directeur artistique, de monter cet oratorio, qu’il a enregistré, en 1998, pour Harmonia Mundi. Cette maison d’opéra, connue depuis de nombreuses années pour ses mises en scène originales et modernes, ne se contente pas de proposer une simple version de concert de cette œuvre majeure du compositeur, à la genèse longue (1844‑1853), rarement exécutée de nos jours.
Julian Rosefeldt a développé un concept d’une grande beauté visuelle, mais malaisé à interpréter. La scénographie, assez dépouillée, repose essentiellement sur une chorégraphie lente, qui englobe les choristes et les solistes, sans qu’il s’agisse de danses à proprement parler, et une création vidéo originale, projetée sur un écran géant. Celle‑ci suscite davantage d’intérêt que les mouvements des chanteurs, d’autant plus qu’à la fin, ils cessent de se déplacer pour se regrouper assis sur une estrade. En l’absence d’une véritable direction d’acteur, bien que le cinéaste et vidéaste allemand réussisse à conférer du relief aux principaux personnages, il vaut mieux se laisser porter par les images, tout en essayant d’en comprendre la signification, à condition de bien connaitre le second Faust de Goethe.
La destinée humaine semble constituer l’argument principal de cette stupéfiante création. La vidéo, présente en permanence, débute dans les confins de l’espace ; la présence de temps à autre d’installations géantes, comme des satellites, suggère que le cinéaste situe son récit dans un futur lointain. Elle montre ensuite une planète désertique, mais pas abandonnée pour autant, car elle révèle, en approchant de la surface, une cité comme surgie de la roche, à l’image de celles qui existent au Yémen. Cette planète, proche de la Terre, à moins qu’il s’agisse d’une vision future et effrayante de celle‑ci, ne contient, à première vue, aucune trace de vie. Impression trompeuse, cependant, car la caméra panoramique se dirige ensuite vers une forêt touffue afin d’en pénétrer le cœur. Elle révèle alors, parmi les arbres, sains et verdoyants, une communauté d’hommes et de femmes, la plupart jeunes, se défoulant lentement dans une sorte de rave party ou de cérémonie païenne célébrant la liberté. Ne cherchez pas dans tout ceci le Faust, le Méphistophélès et la Marguerite du Faust de Gounod et de La Damnation de Faust de Berlioz. Le propos est, ici, tout autre.
Cette mise en scène déroutante, tout à la fois simple et sophistiquée, sans conteste d’une grande valeur artistique et esthétique, ne constitue pas le seul pôle d’attraction de ce spectacle. L’exécution musicale répond sans difficulté aux attentes. La participation, pour cette production, de l’Orchestre symphonique d’Anvers ne suscite aucunement le regret de ne pas entendre plutôt celui de l’Opéra des Flandres. Sous la direction sensible et soutenue de Philippe Herreweghe, les musiciens, de bon niveau, délivrent une prestation vivante et profonde, intense et contrastée. Même si elle ne comporte pas de grands noms, la distribution contribue également à la réussite de ce spectacle. Les chanteurs arborent de belles voix saines et développent un chant d’excellente tenue. Certains parviennent même dans ce spectacle, malgré la prédominance de la vidéo, à attirer l’attention par leur présence et la justesse de leur incarnation, à l’instar du baryton Rafael Fingerlos, dont le physique fait penser à celui de l’acteur Ryan Gosling, du baryton‑basse Sam Carl, de la soprano Eleanor Lyons et même du ténor Ilker Arcayürek. La direction de l’Opéra des Flandres a décidément le don de dénicher pour toutes ces productions des jeunes chanteurs au riche potentiel. Il faut saluer enfin la solide prestation des choristes de l’Opéra des Flandres, dont l’engagement et la maîtrise ne sont plus à démontrer, renforcés par ceux du réputé Collegium Vocale de Gand.
Sébastien Foucart
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