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Passion brûlante

Lille
Opéra
10/06/2022 -  et 8, 11, 13, 16* octobre 2022
Georg Friedrich Händel : Semele, HWV 58
Elsa Benoit (Sémélé), Stuart Jackson (Jupiter), Paul‑Antoine Bénos‑Djian (Athamas), Joshua Bloom (Cadmus), Ezgi Kutlu (Junon), Evan Hughes (Somnus), Victoire Bunel (Ino), Emy Gazeilles (Iris)
Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction)
Barrie Kosky (mise en scène), David Merz (reprise de la mise en scène), Natacha Le Guen de Kernaizon (décor), Carla Teti (costumes), Alessandro Carletti (lumières)


(© Simon Gosselin)


Pour débuter sa saison, l’Opéra de Lille reprend une mise en scène de Sémélé (1744), de Barrie Kosky, créée au Komische Oper de Berlin il y a quatre ans. Même si cette maison impeccablement tenue n’a pas eu l’honneur et la responsabilité de la monter en premier, ce spectacle, à tous points de vue réussi, témoigne de la haute valeur artistique de ce qu’elle programme depuis de nombreuses années.


Le metteur en scène australien était-il présent à cette occasion ? En tout cas, le livret indique que David Merz assure la reprise, et ceci brillamment tant la direction d’acteur se révèle, du début à la fin, remarquable de justesse et de précision, d’autant plus que cet ouvrage relève à la fois de l’opéra italien et de l’oratorio anglais. Il se pourrait bien que cet assistant se forge plus tard, à son tour, un nom dans cette discipline. Le drame se déroule dans un palais calciné où, consumée par un amour puissant pour Jupiter, Sémélé émerge de ses propres cendres fumantes. La mise en scène, qui excelle dans tous les registres – drame, comédie, érotisme – exploite intelligemment le décor, d’une grande beauté visuelle, malgré les teintes calcinées, de Natacha Le Guen de Kernaizon, dont l’effet de perspective et les deux cheminées surmontées d’un miroir autorisent de jolies trouvailles, visuelles et théâtrales. Alessandro Carletti applique, de plus, sur ce décor unique, de superbes et subtils jeux de lumières. L’entretien avec Barrie Kosky reproduit dans le livret atteste d’une lecture fouillée et pertinente, riches d’intentions, mais sans surcharge, et remarquablement réalisées.


Une fois de plus, l’Opéra de Lille a réuni une distribution cohérente comme il en a le secret : les chanteurs, même s’ils ne sont pas tous très connus, excellent à exprimer avec des accents sincères et une incontestable justesse l’essence de cette musique et de ce texte. Le rôle‑titre revient à la talentueuse Elsa Benoit, qui ne tarde pas à séduire par le timbre, au service d’un chant raffiné et expressif, et à convaincre par son tempérament dramatique. Stuart Jackson possède la carrure du géant Hagrid de Harry Potter et le charisme d’un Michael Spyres. La mise en scène joue évidemment sur le contraste entre cet énorme Jupiter et cette délicate Sémélé. Mais la voix de ce ténor atypique affiche une finesse et une souplesse qui trouvent leur équivalent dans le jeu d’acteur – une découverte stupéfiante.


Paul‑Antoine Bénos‑Djian parvient sans peine à incarner le rôle relativement ingrat d’Athamas, le prince de Béotie à qui Cadmus, très correctement incarné par Joshua Bloom, doté de suffisamment de graves, a promis la main de sa fille, Sémélé. Le reste du plateau se hisse également à la hauteur du défi. Même Ezgi Kutlu, pourtant annoncée souffrante, tient plus qu’honorablement sa partie. Retenons également le Somnus bien caractérisé et soigneusement chanté d’Evan Hughes, l’impeccable Ino de Victoire Bunel et l’Iris d’Emy Gazeilles, qui ressemble, dans cette mise en scène, à une énergique poupée désarticulée.


Le compositeur consacre de solides pages aux chœurs, notamment à la fin, ce qu’a bien compris le metteur en scène ,qui leur accorde toute leur importance. La représentation se conclut par leur présence dans les balcons, pour un effet de toute beauté, et il faut reconnaître que les chanteurs du Concert d’Astrée se montrent presque aussi excellents que les musiciens, une fois de plus admirablement dirigés par une Emmanuelle Haïm, qui n’a plus à rien à prouver depuis longtemps dans cette musique. Le chef marque assez fermement les accents, sans trop d’excès, et mesure ses tempi, qui ne paraissent jamais excessifs ou brouillons. Dense et précise, l’interprétation de l’orchestre épouse ainsi les idées théâtrales de la mise en scène.


Il faut espérer qu’un DVD, pour autant que ce support continue à exister, immortalise cette production idéale pour découvrir une œuvre capitale, mais étrangement peu représentée, malgré une discographie non négligeable.



Sébastien Foucart

 

 

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