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Giselle réimaginée

Paris
Théâtre des Champs‑Elysées
10/12/2022 -  et 13, 14, 15 octobre 2022
Giselle
Akram Khan (chorégraphie), Vincenzo Lamagna (composition et conception sonore, d’après Adolphe Adam), Gavin Sutherland (orchestration)
English National Ballet
Tim Yip (conception visuelle, costumes), Mark Henderson (lumières), Ruth Little (dramaturgie)


(© Laurent Liotardo )


Spectacle mythique outre‑Manche, la version du ballet romantique Giselle réimaginée par Akram Khan pour l’English National Ballet est enfin présentée à Paris, avec pour la dernière fois dans le rôle‑titre sa créatrice, la fabuleuse danseuse étoile Tamara Rojo.


Si elle a déjà fait le tour du monde, cette chorégraphie, créée en 2016 par le chorégraphe britannique d’origine bangladaise Akram Kahn et récompensée par un Oliver Award en 2017, commande de la danseuse britannique d’origine espagnole Tamara Rojo pour le Ballet national anglais, dont elle est jusqu’à la fin de l’année la directrice, n’avait jamais été montrée à Paris. Sa venue, prévue en 2020, avait été annulée pour les raisons sanitaires que l’on sait. Evénement de taille donc, d’autant plus qu’à cette occasion cette merveilleuse étoile fait, à 48 ans et symboliquement à Paris, où elle a suivi les cours des maîtres de ballet de l’Opéra Garnier, ses adieux à la scène. Mais pas à la danse, car elle part dès 2023 diriger le Ballet de San Francisco, succédant à Helgi Tómasson, où la suivra son mari, le danseur mexicain Isaac Hernández, qui est son partenaire dans cette inoubliable chorégraphie. Le Ballet national anglais dédie ces représentations à son ancien président Justin Bickle décédé cette année.


S’il n’est bien entendu pas question de comparer, dans les dernières décennies, les relectures du ballet romantique Giselle de Jean Coralli et Jules Perrot, sur une musique d’Adolphe Adam et d’après un roman de Théophile Gautier, elles ont étés dominées par celle du Suédois Mats Ek, qui, en 1982, transformant le mal physique dont souffre l’héroïne en folie et transposant de fait l’acte blanc dans un asile psychiatrique, avait, dans une esthétique révolutionnaire et avec un langage chorégraphique très moderne, créé un spectacle plutôt dépouillé mais d’une force incroyable. Akram Kahn réimagine Giselle dans un contexte social très différent. Elle fait partie d’une communauté tiers‑mondiste de travailleurs migrants dans une usine de textile. Des parias, des bannis, autant dire des intouchables séparés par un mur du monde des nantis qui les exploitent, chez qui fait irruption Albrecht, un nanti qui convoite Giselle. L’action suit globalement le schéma original, avec la mort de Giselle enceinte et folle de chagrin. L’acte blanc des Willis se situe dans un lieu fantôme où errent les ouvrières mortes et où Albrecht tente de retrouver Giselle, qui, après quelques péripéties, lui laisse la vie mais disparaît avec les Willis. Rédemption donc, mais après un acte un peu longuet que sauve un extraordinaire duo entre Giselle et Albrecht.


Le premier acte est, lui, d’une force incroyable, tant les ensembles sont virtuoses et la chorégraphie d’une très grande exigence, mêlant des influences de danse katak à un vocabulaire néoclassique (les danseuses sont sur pointes) et moderne, et formidablement exécutée par les quarante danseurs de cette magnifique compagnie. Les scènes de séduction donnent à Tamara Rojo, qui est une liane incandescente, l’occasion de couper le souffle du public et à son Albrecht, Isaac Hernández, de briller toujours dans une émotion intense. Quelques images frappent, comme les soulèvements de ces bannis contre leur caste dominante, une magnifique image de fleur que dessinent les danseurs ondulant autour de Giselle au paroxysme de sa passion. Les éclairages sont somptueux même si tout paraît souvent un peu trop sombre.


La musique électro-orchestrale enregistrée de Vincenzo Lamagna et Gavin Sutherland, intentionnellement reproduite de façon excessive pour créer un climat dramatique et anxiogène, n’est pas d’une imagination constante mais fonctionne toujours bien dramatiquement. La superbe scénographie (le mur monumental) et les costumes de Tim Yip concourent énormément à la réussite totale de ce spectacle, qui peut être vu en extraits sur YouTube ainsi que sur le site du Ballet national anglais et figure au catalogue DVD de la firme vidéo allemande EuroArts.



Olivier Brunel

 

 

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