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Le Pater seraphicus fête ses 200 ans

Strasbourg
Palais de la musique et des congrès
10/07/2022 -  
Paul Dukas : L’Apprenti sorcier
Philippe Manoury : Saccades
César Franck : Psyché

Emmanuel Pahud (flûte)
Chœur de l’Opéra national du Rhin, Alessandro Zuppardo (direction), Chœur philharmonique de Strasbourg, Catherine Bolzinger (direction), Orchestre philharmonique de Strasbourg, Pierre Bleuse (direction)


E. Pahud, P. Manoury, P. Bleuse (© Nicolas Roses)


Philippe Manoury a beaucoup composé pour l’Orchestre du Gürzenich de Cologne, dont l’imposant et spatialisé Ring de 2016, que l’on avait pu entendre un an plus tard en création française à Strasbourg, au cours du festival Musica, et qui nous avait laissé le souvenir d’une saturation sonore quelque peu lourde. Rien de tel avec Saccades, véritable concerto pour flûte écrit pour Emmanuel Pahud, et créé, toujours à Cologne, en juillet 2018 : un bel hommage à la volubilité de l’instrument, confrontation très spectaculaire avec un orchestre tantôt discret tantôt tonitruant, qui n’arrive jamais à réduire au silence un soliste continuellement expansif et nerveux. Une partition écrite sur mesure pour Emmanuel Pahud, virtuose dont la puissance de son et la rondeur de timbre sont tellement solidement charpentés que même les recherches d’effets les plus paroxystiques, flatterzunge, aigus projetés à la volée, sons saturés... ne parviennent pas à les ébranler. La pièce est longue, plus de 25 minutes, et lorsque, après une ultime cadence où la flûte a encore enchaîné les bavardages au point d’avoir définitivement eu le dernier mot, on comprend qu’Emmanuel Pahud renonce à donner le moindre bis. Mais en dépit de ces dimensions imposantes la pièce évite assez bien toute sensation d’ennui ou de redite, sans doute parce que sous‑tendue par une dramaturgie efficace, tout à tour poétique, voire jouant autour de références sonores très « françaises », dont même un fugace clin d’œil à Daphnis et Chloé, ou plus expérimentale, avec des jeux de timbre qui fleurent bon leur IRCAM, alors pourtant qu’il s’agit d’une partition strictement dépourvue de tout traitement électronique ou informatique. On ne sait pas si ce concerto, d’une virtuosité particulièrement exigeante, pourra s’installer un jour au répertoire courant des flûtistes, mais en tout cas, quand Emmanuel Pahud nous le joue avec autant d’énergie, on se laisse facilement convaincre que l’œuvre en vaut la peine.


Autour de ce concerto très lumineux, un programme non moins « français ». En début de soirée, Pierre Bleuse dirige L’Apprenti sorcier de Dukas, poème symphonique riche en effets théâtraux, qui met bien en valeur un Orchestre philharmonique de Strasbourg, très à l’aise, et qui surtout laisse transparaître un évident plaisir de jouer, sous une baguette qui veille à chaque détail mais laisse aussi les musiciens respirer. Au prix parfois de quelques décalages sans gravité, et de toute façon compensés par la beauté sonore de tous les pupitres. Un luxe de timbres qui valorise assurément aussi l’exécution intégrale de Psyché de César Franck en seconde partie, partition qui pourrait vite paraître ingrate du fait d’une écriture orchestrale proliférante, où les plans s’imbriquent en entrelacs pas toujours faciles à démêler. Une matière continuellement changeante mais dont les démarquages wagnériens ne semblent avoir retenu du maître de Bayreuth que la sensualité ondoyante et jamais le sens dramatique. « Poème symphonique », d’après son intitulé,Psyché donne plutôt l’impression de ses disperser en larges motifs d’un format démesuré, aux couleurs un peu délavées, tels ces grands tableaux de Puvis de Chavannes aujourd’hui bien démodés mais qui pourtant conservent un certain sens du grandiose. Ici encore, Pierre Bleuse canalise et veille aux équilibres d’une pâte sonore avant tout généreuse, à laquelle il paraît de toute façon difficile de conférer davantage de transparence et de nervosité. Une opulence moins patente du côté des passages choraux, souvent omis, parce qu’ils enlisent encore davantage la progression, et aussi du fait de textes ridicules, que de toute façon ici on ne comprend guère. Les chœurs professionnels de l’Opéra national du Rhin bénéficient du copieux renfort des amateurs du Chœur philharmonique de Strasbourg, mais sans que ces trois moments d’extase très convenus ne suscitent d’autre sentiment qu’une relative indifférence.



Laurent Barthel

 

 

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