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Un spectacle enthousiasmant

Geneva
Grand Théâtre
09/15/2022 -  et 17, 20*, 23, 25, 28 septembre 2022
Fromental Halévy : La Juive
John Osborn (Eléazar), Dmitry Ulyanov (Le Cardinal de Brogni), Ioan Hotea (Léopold), Elena Tsallagova/Mercedes Arcuri* & Romane Golan* (La Princesse Eudoxie), Ruzan Mantashyan (Rachel), Leon Kosavic (Ruggiero, Albert), Sebastià Peris, Igor Gnidii (Hommes du peuple)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (chef de chœur), Orchestre de la Suisse Romande, Marc Minkowski (direction musicale)
David Alden (mise en scène), Gideon Davey (décors), Jon Morrell (costumes), D.M. Wood (lumières), Maxime Braham (mouvement)


(© Magali Dougados)


Le Grand Théâtre de Genève vient d’entamer sa saison 2022‑2023 de la plus belle des manières, avec une superbe production de La Juive d’Halévy, qui fera date. Aviel Cahn, le directeur de l’institution, avait pourtant pris des risques en choisissant un titre peu connu (la dernière représentation à Genève a eu lieu en... 1927) et en faisant appel à quatre solistes principaux et à un chef d’orchestre qui n’avaient encore jamais abordé l’ouvrage. L’audace a payé. Pour cette troisième représentation, la salle est plutôt bien remplie. Et le plateau vocal est de très haute tenue, proche de l’idéal, et surtout d’une grande cohésion ; il faut aussi souligner l’excellente diction française de tous les interprètes principaux, dont aucun n’est francophone.


C’est clairement le chant qui tient le haut du pavé dans ce spectacle. Malgré un timbre parfois un peu rugueux, Dmitry Ulyanov impressionne par ses graves abyssaux et campe un Cardinal de Brogni certes fier et autoritaire, mais aussi pétri d’humanité et de doutes. En dépit de quelques soucis d’intonation et d’une technique pas toujours exemplaire, Ioan Hotea incarne un Léopold ardent et élégant. Ruzan Mantashyan est une Rachel éblouissante de sincérité et d’engagement, à la voix d’une douceur enivrante dans les passages lyriques et aux accents enflammés dans les scènes où elle montre toute sa détermination. Pour son premier Eléazar, John Osborn dessine un personnage digne et émouvant, avec une voix parfaitement contrôlée sur toute la tessiture et une technique superlative. Le grand air que tout le public attend, « Rachel, quand du Seigneur la grâce tutélaire », bouleverse par ses accents de sincérité. Le ténor réussit l’exploit d’interpréter la terrible cabalette qui suit et sa reprise sans le moindre signe de fatigue et en lançant des aigus flamboyants. Une prise de rôle marquante à tous les points de vue. Souffrante, Elena Tsallagova n’a pas pu assurer le rôle de la princesse Eudoxie pour cette troisième représentation. Juste avant le début de la soirée, Aviel Cahn est monté sur scène pour dire toutes les peines du monde qu’il a eues pour trouver une remplaçante, les chanteuses ayant le rôle à leur répertoire n’étant pas légion. Il a trouvé la perle rare en Mercedes Arcuri, qui a interprété Eudoxie à Hanovre en 2020. Arrivée le jour même à Genève, celle‑ci a chanté avec la partition devant elle, à jardin, avec beaucoup d’aplomb, sauvant ainsi la représentation. C’est une figurante particulièrement expressive, Romane Golan, qui jouait le personnage avec conviction. Le Chœur du Grand Théâtre de Genève s’est montré une nouvelle fois admirable de précision et de cohésion.


A la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, Marc Minkowski déploie des trésors de finesse et d’élégance, mettant en valeur la richesse de l’orchestration, avec ses nuances et ses couleurs, malgré quelques décalages. A noter que la partition a été amputée du ballet, mais n’a pas subi de coupes majeures pour le reste, avec une durée totale d’un peu plus de trois heures de musique. La production de David Alden est intelligente et cohérente de bout en bout, quand bien même un peu simpliste et manichéenne, en raison du parti pris du metteur en scène : les «  bons juifs » sont opprimés par les «  méchants chrétiens » sinistres et vêtus de noir. Si La Juive se déroule durant le concile de Constance (1414‑1418), le propos de David Alden est beaucoup plus large, puisque certaines images du spectacle renvoient à l’Allemagne des années 1930, voire à la Shoah. Le metteur en scène alterne habilement les époques pour montrer l’intolérance et la violence du fanatisme religieux à travers les âges. On mettra aussi à son crédit qu’il réussit à rendre l’intrigue lisible et compréhensible. La production est rehaussée par le splendide jeu de lumières et d’ombres projetées sur les parois qui délimitent l’espace. Un spectacle enthousiasmant qui laisse bien augurer de la suite de la saison lyrique genevoise.



Claudio Poloni

 

 

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