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Un Trouvère sombre et statique

Venezia
Teatro La Fenice
09/11/2022 -  et 15, 17, 21, 23 septembre 2022
Giuseppe Verdi : Il trovatore
Mattia Olivieri (Il conte di Luna), Francesca Dotto (Leonora), Carmen Topciu (Azucena), Antonio Poli (Manrico), Simon Lim (Ferrando), Lucia Raicevich*/Elsa Savino (Inès), Dionigi D’Ostuni*/Enrico Masiero (Ruiz)
Coro del Teatro La Fenice, Alfonso Caiani, Orchestra del Teatro La Fenice, Francesco Ivan Ciampa (direction musicale)
Lorenzo Mariani (mise en scène), William Orlandi (décors et costumes), Fabio Barettin (lumières), Mattia Diomedi (vidéo)


(© Michele Crosera)


Pour les mélomanes cinéphiles, assister à une représentation du Trouvère à la Fenice rappelle immanquablement les premières images de Senso de Visconti, au cours desquelles le spectacle est interrompu par une manifestation de nationalistes italiens luttant pour l’unification de leur pays. Rien de tout cela aujourd’hui : la soirée, qui marquait la reprise du chef‑d’œuvre de Verdi dans le célèbre théâtre, a été on ne peut plus calme. Le spectacle conçu par Lorenzo Mariani, étrenné à Parme en 2010, a été présenté pour la première fois à Venise en 2011 et a connu une première reprise en 2020. Il s’agit d’une production baignant dans des lumières sombres, avec à l’arrière‑plan un écran projetant des nuages noirs, une énorme lune rouge ou des flammes. Dans cette atmosphère assez lugubre et mystérieuse, les protagonistes tiennent constamment des chandeliers dans les mains. C’est une production très statique aussi, avec pour seuls éléments de décors sur le plateau nu des chaises et des tables, dont la disposition est modifiée par des techniciens entre chaque scène. Au début, l’alignement est parfaitement géométrique, mais au fil des scènes la disposition se fait moins ordonnée jusqu’à finir par laisser une impression de chaos et de destruction. Ces interruptions de plusieurs minutes obligent à chaque fois le public à se replonger dans l’ambiance et rallongent d’autant la soirée. Esthétiquement cependant, le spectacle offre de belles images d’ensemble.


Sur le plan musical, la représentation laisse également des sentiments plutôt mitigés. A la tête de l’Orchestre du Théâtre de la Fenice, le jeune chef Francesco Ivan Ciampa offre certes une direction musicale contrastée et dynamique, mais carrée et lourde aussi, qui manque de nuances et de raffinement, et surtout qui couvre parfois les chanteurs. Or c’est justement de la distribution vocale que viennent les plus grandes satisfactions de cette soirée. On passera rapidement sur l’Azucena de Carmen Topciu, à l’intonation douteuse, aux aigus criards et à la diction problématique. Les trois autres personnages principaux font tous leur début dans leur rôle respectif. S’il n’est peut-être pas le plus raffiné ni le plus nuancé des Manrico, ne semblant connaître que le fortissimo, Antonio Poli livre néanmoins un chant ardent et passionné, culminant avec un splendide « Di quella pira ». Malgré un léger vibrato et une émission manquant parfois d’aplomb et de sûreté (le trac de la première ?), Francesca Dotto incarne une Léonore émouvante et lumineuse, aux accents nuancés et aux vocalises précises. Quand bien même il grossit et assombrit exagérément son émission, Mattia Olivieri campe un Luna fier et expressif, à la ligne de chant parfaitement homogène et au legato impeccable. Les quelques frustrations laissées par cette représentation du Trouvère s’estompent instantanément dès que les lumières reviennent dans la salle de la Fenice et qu’on redécouvre toute la splendeur de ce théâtre qui est l’un des plus beaux du monde.



Claudio Poloni

 

 

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