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L’illusion permanente Venezia Vicenza (Teatro Olimpico) 09/08/2022 - et 10* septembre 2022 Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527 Francesco Samuele Venuti (Don Giovanni), Strahinja Djokic (Il Commendatore), Yuliya Pogrebnyak (Donna Anna), Massimo Frigato (Don Ottavio), Marily Santoro (Donna Elvira), Marco Saccardin (Leporello), Gianluca Andreacchi (Masetto), Sabrina Sanza (Zerlina)
VOC’e, Laboratorio corale classico, Alberto Spadarotto (direction), Orchestra dei Colli Morenici, Edmondo Mosè Savio (direction musicale)
Marina Bianchi (mise en scène), Anna Perrotta (assistante à la mise en scène), Leila Fteita (décors et costumes)
(© Federico Balestro)
Attention chef‑d’œuvre : le Teatro Olimpico de Vicence est une pure merveille. Considéré comme le premier théâtre couvert permanent de l’époque moderne, sa réalisation, à l’intérieur des murs d’une ancienne prison, fut confiée au célèbre architecte de la Renaissance Andrea Palladio, alors au sommet de sa renommée. L’artiste s’est inspiré des théâtres de l’Antiquité. La construction a commencé en 1580, mais l’architecte meurt six mois après le début des travaux. C’est son fils Silla qui prendra le relais, sur la base des notes laissées par son père. Le théâtre est inauguré en mars 1585, après la réalisation des célèbres décors en perspective de Vincenzo Scamozzi, disciple de Palladio. Il est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, tout comme l’ensemble des constructions conçues par Palladio dans la ville de Vicence (située à 70 kilomètres de Venise). Le Teatro Olimpico fait le lien entre les théâtres de l’époque antique et ceux des Temps modernes. Les treize rangées de gradins semi-circulaires évoquent l’Antiquité, alors que la scène est déjà celle des théâtres modernes. L’illusion est permanente au Teatro Olimpico, avec ses perspectives et ses trompe‑l’œil. Si la balustrade qui surmonte les gradins est bien jalonnée de statues de pierre, les autres statues sont faites de bois et de stuc. Sur la scène, des colonnes ne sont pas sans rappeler les murs des arcs de triomphe de l’Antiquité. Une arche au centre et deux ouvertures latérales laissent entrevoir une perspective évoquant les rues de Thèbes bordées de palais en trompe‑l’œil. L’effet est tout simplement saisissant. Le plafond représente un ciel nuageux, aux tons pastel. D’une capacité de 400 places, l’édifice a miraculeusement été épargné par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, le Teatro Olimpico est malheureusement plus un musée qu’une salle de spectacles. Le festival « Vicenza in lirica », qui se déroule généralement de fin août à début septembre, donne vie, quelques jours durant, à ce lieu tout simplement exceptionnel.
Créé il y a dix ans, le festival a toujours fait la part belle aux jeunes talents prometteurs. La pièce de résistance de cette édition 2022 était le Don Giovanni de Mozart. La distribution se composait de lauréats du Concours lyrique Tullio Serafin. Certains chantaient leur rôle pour la toute première fois. Les deux soirées programmées ont ainsi donné l’occasion à ces interprètes débutants de faire leurs premières armes sur une scène et, qui sait, d’être repérés par des directeurs de théâtre ou des agents. De la distribution ont émergé la Donna Anna de Yuliya Pogrebnyak, aux moyens vocaux déjà considérables, ainsi que la Donna Elvira particulièrement expressive de Marily Santoro. La Zerlina malicieuse et lumineuse de Sabrina Sanza a fait, elle aussi, forte impression. Chez les messieurs, on a retenu le Commandeur à la voix abyssale de Strahinja Djokic et le Don Ottavio au chant raffiné de Massimo Frigato. Si le Leporello de Marco Saccardin a paru un peu en retrait, il faut savoir gré au chanteur d’avoir assumé pratiquement au pied levé le remplacement d’un collègue souffrant. Quant au Don Giovanni de Francesco Samuele Venuti, il a séduit par ses belles couleurs vocales sombres. Le public a salué avec des applaudissements chaleureux tous les interprètes de la soirée, dont la plupart avaient de la peine à cacher leur émotion. La relève lyrique semble bien assurée !
Claudio Poloni
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