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Dufourt revu par Romitelli

Paris
Bagnolet (L’Echangeur)
09/10/2022 -  
Fernando Garnero : Cada trozo/cada ganglio (création)
Hugues Dufourt : L’Atelier rouge selon Matisse

Ensemble Cairn


F. Garnero


En guise de prélude à ce concert où sons et images se répondent, deux créations mondiales pour flûte seule : Tanukibayashi d’Aurélien Dumont (né en 1980) et La Solitude du renard de Joël Merah (né en 1969), interprétées par des élèves du Conservatoire d’Ivry‑sur‑Seine. Une belle carrière attend Anatole Taisne‑Le Dividich, qui maîtrise déjà un large panel de modes de jeu. Mélina Richard‑Sarmiento insuffle ce qu’il faut de professionnalisme et d’ingénuité à la réjouissante pièce de Dumont avec « dessin animé ».


Le contrepoint d’images est au cœur de la création de l’Argentin Fernando Garnero (né en 1976) et du vidéaste Alexis Moreano Banda. Le binôme a conçu une œuvre hybride à partir d’extraits de films issus des archives de la cinémathèque de Toulouse. Déconstruites (pour employer un terme à la mode) puis recyclées, ces images quittent le domaine du réel pour investir celui de la fiction. Une fiction sans trame narrative : c’est davantage les situations, les interactions, les récurrences qui régissent l’enchaînement de ces fragments où le noir et blanc le disputent à la couleur, une usine de fabrication de vêtements à des personnages obscures. La partie électronique laisse filtrer des bribes des enregistrements originaux, cependant que les cinq musiciens de l’Ensemble Cairn rivalisent de sons saturés : guitare électrique (technique dite du « slide au bottleneck »), clarinette basse (avec force slaps), violoncelle (sorti de la chrysalide de Pression de Lachenmann), percussion et synthétiseur tissent une toile sonore bruitiste et angoissante.


L’Atelier rouge selon Matisse (2020) est le dernier tableau accroché par Hugues Dufourt (né en 1943) à son musée. Est‑il le fruit du confinement et de ses répercussions psychiques ? Obéit‑il à un désir de renouvellement du vocabulaire sonore ? Ou bien la partition traduit‑elle simplement en sons ce que le compositeur a ressenti à la vue de la toile ? Quoi qu’il en soit, Dufourt use ici d’une palette de timbres qu’on ne lui connaissait pas : multiphoniques de saxophones (ténor et baryton), waterphone amplifié, frottements rageurs sur les lames du vibraphone, sons tirés de l’intérieur du piano et j’en passe... C’est comme si la partition, après l’exorde dramatique du piano, donnait à percevoir l’équivalent musical de cette « libération du dessin » et de la « simplification des idées et des formes figuratives » vers quoi tend l’art de Matisse. Quelques constantes du style de Dufourt, heureusement, canalisent ces objets sonores dont le flirt avec le bruit rend la manipulation extrêmement délicate et si souvent insatisfaisante chez bien des compositeurs : une forme claire, une rythmique volontairement simple (et non simpliste), une manière de s’installer dans le temps long qui va de pair avec un respect des résonances et surtout une oreille d’une rare acuité dans l’élaboration des alliages timbriques. Difficile, après cette pièce étonnante – où transitent les mânes de Fausto Romitelli – de prédire dans quelle direction l’auteur de Surgir va se diriger...


Le site de l’Ensemble Cairn



Jérémie Bigorie

 

 

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