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Aedes réussit ses adieux

Vézelay
Basilique
08/27/2022 -  et 25 août (La Chaise‑Dieu), 22 (Tourcoing), 23 (Laon) septembre, 20 octobre (Compiègne) 2022
Clément Janequin : O doulx regard, o parler
Rodion Chtchedrine : L’Ange scellé : premier mouvement
André Jolivet : Cinq Incantations : 4. « Pour une communion sereine de l’être avec le monde »
Carlo Gesualdo : Quatrième Livre de madrigaux : « Sparge la morte al mio signor »
Arvo Pärt : The Deer’s Cry
Charles Ives : The Unanswered Question
Olivier Messiaen : Poèmes pour Mi : 5. « L’Epouse » – L’Ascension : 1. « Majesté du Christ demandant sa gloire à son Père »
Francis Poulenc : Stabat Mater, FP 148

Marianne Croux (soprano), Marion Ralincourt (flûte)
Ensemble Aedes, Les Siècles, Mathieu Romano (direction)


M. Croux, M. Romano (© Vincent Arbelet)


On reste toujours aussi émerveillé par le site de Vézelay, niché sur une butte visible au loin lorsqu’on arrive en voiture, sans parler de la façade majestueuse de la basilique Sainte-Marie-Madeleine, à l’éclat retrouvé depuis sa rénovation extérieure : toute la finesse des détails des sculptures, jadis remodelées par Viollet‑le‑Duc, laisse pantois, tandis que l’intérieur réserve encore de nombreuses surprises, notamment le tympan du narthex, chef‑d’œuvre visible dans un état de conservation tout simplement bouleversant.


L’écoute d’un concert dans la vaste nef romane, à l’occasion de la vingt‑deuxième édition des Rencontres musicales de Vézelay, est un incontournable à ne manquer sous aucun prétexte, fêté par un public venu en nombre cette année. On reste sidéré devant la capacité de François Delagoutte, le dynamique et enthousiaste directeur artistique du festival, à faire venir sur quatre jours des ensembles aussi renommés que Les Siècles, les chœurs de la Radio lettone, Ghislieri ou Aedes, à chaque fois au service d’une programmation audacieuse. A seulement 35 ans, le successeur de Nicolas Bucher en 2018 (qui avait lui‑même pris en 2015 le relais du fondateur Pierre Cao), n’a pas son pareil pour réunir les artistes et les inciter à sortir des sentiers battus : on pense par exemple à la passionnante confrontation imaginée entre Philippe Hersant et le chef franco‑hongrois Bruno Kele‑Baujard, fruit d’une création mondiale interprétée en contraste avec des musiques de Transylvanie, mâtinées d’influences tziganes.


Mais c’est peut‑être plus encore le concert du soir en la basilique qui reçoit tous les suffrages, autant par sa hauteur d’inspiration que son programme d’une grande originalité : l’émotion est également venue s’installer en fin de concert, lorsque le chef Mathieu Romano (né en 1984) a pris la parole pour remercier les responsables du festival, comme le public, de sa confiance renouvelée pendant trois années en résidence à la Cité de la voix. Un mandat qui s’achève avec cette édition, le chœur Les Métaboles prenant la relève l’an prochain. En attendant, Mathieu Romano confirme toute sa maîtrise de l’acoustique des lieux, se jouant des masses en présence pour faire ressortir de nombreux détails ici et là, à chaque fois en des tempi mesurés. C’est particulièrement audible dans la lenteur habitée de l’énigmatique Question sans réponse (1908) de Charles Ives, qui résonne des interventions brusques de la trompette et des vents, en contraste avec le tapis de velours pianissimo et sinueux aux cordes.


Le chef n’hésite pas à se jouer de la spatialité sonore, en faisant jouer la flûte aérienne de Marion Ralincourt dans les hauteurs qui séparent la nef du narthex. Avant les audaces dissonantes de Jolivet avaient résonné la sérénité des chœurs de Janequin, d’une douceur ensorcelante (à l’instar du ravissant bis Toutes les nuits, en fin de soirée). Avec Chtchedrine, mêmes instants de beauté apolliniennes, autour de mélanges de murmures et d’envolées mouvantes, comme des vagues en ressac.


Après les individualités mises en avant par Gesualdo, puis l’épure répétitive de Pärt, le magnifique programme se poursuit avec Messiaen – à chaque fois sans applaudissements entre les pièces. L’effet produit entre la fin de la fanfare de L’Ascension et les méandres tragiques du Stabat Mater de Poulenc est saisissant : on regrette de ne pas pouvoir entendre plus souvent ce chef‑d’œuvre d’intensité vibrante, ici interprété avec des transitions aux angles polis, en une étonnante douceur vaporeuse par endroit. Le chœur bénéficie de cet allégement orchestral en faisant ressortir ses qualités de timbre et de clarté d’émission, même si la virtuosité dans le rebond rythmique n’atteint pas ses équivalents anglais, notamment. La soprano Marianne Croux montre une sûreté d’émission bienvenue, mais qui manque souvent de mordant dans les graves, assez peu audibles. L’aigu, en revanche, est parfaitement projeté, au service d’une interprétation sans pathos appuyé, à l’instar de la vision choisie par le chef.


Le site des Rencontres musicales de Vézelay



Florent Coudeyrat

 

 

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