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Un Fidelio enthousiasmant Gstaad Tente du festival 08/11/2022 - Ludwig van Beethoven : Fidelio, opus 72 Sinéad Campbell‑Wallace (Leonore), Jonas Kaufmann (Florestan), Matthias Winckhler (Don Fernando), Falk Struckmann (Don Pizarro), Andreas Bauer Kanabas (Rocco), Christina Landshamer (Marzelline), Patrick Grahl (Jaquino), Peter Simonischek (récitant)
Ceský filharmonický sbor Brno, Petr Fiala (chef de chœur), Gstaad Festival Orchestra, Jaap van Zweden (direction)
(© Raphaël Faux)
Il est venu, il a chanté, il a vaincu. Jonas Kaufmann était bien évidemment très attendu à Gstaad pour endosser les habits de Florestan, à l’occasion d’une unique représentation concertante de Fidelio. L’édition 2022 du Festival Menuhin, qui a débuté mi‑juillet, est d’ailleurs consacrée à Beethoven et à Vienne. L’entrée en scène du ténor allemand a été magistrale, avec un « Gott » commençant de manière à peine audible pour se prolonger sur un magnifique crescendo et déboucher sur un fortissimo longuement tenu. Le reste de la soirée a été à l’avenant, l’interprète séduisant le public avec son chant nuancé et tout en demi‑teintes, sa marque de fabrique en fait. Il est vrai que Florestan est l’un de ses meilleurs rôles et Jonas Kaufmann a prouvé ce soir qu’il était en très grande forme, livrant un portrait touchant et poignant.
Fort heureusement, la star était bien entourée et la soirée n’est pas tombée dans le one‑man‑show. La révélation de la représentation a été la Leonore de Sinéad Campbell‑Wallace. Arrivée à la dernière minute (l’interprète initialement prévue a dû déclarer forfait en raison d’un changement dans le planning des répétitions d’un autre spectacle où elle est engagée et sa remplaçante a été victime du covid), la soprano a fait forte impression avec son timbre rond bien projeté, son chant intense et expressif ainsi que ses graves capiteux. Elle a fait bien plus que simplement sauver le spectacle, offrant une électrisante incarnation d’une Leonore combative et résolue. Parmi les portraits majeurs de ce Fidelio, on n’oubliera pas non plus le Pizarro noir et hargneux de Falk Struckmann, aux accents menaçants. On mentionnera aussi le Rocco bien chantant d’Andreas Bauer Kanabas et la Marzelline lumineuse et espiègle de Christina Landshamer, sans oublier le Jaquino de Patrick Grahl et le Don Fernando de Matthias Winckhler. Une mention spéciale est à décerner au Chœur philarmonique tchèque de Brno, confondant de puissance et d’intensité mais aussi de précision.
Sous la baguette de son chef titulaire, Jaap van Zweden, l’Orchestre du Festival, composé en majorité de très jeunes musiciens, a livré une performance contrastée un malencontreux couac des cors dès les premiers accords a dû déstabiliser les instrumentistes, entraînant d’autres fausses notes, notamment parmi les cuivres. Après l’entracte heureusement, les musiciens se sont ressaisis et ont parfaitement répondu aux intentions du chef, qui a offert une interprétation particulièrement nerveuse et dynamique de l’unique opéra de Beethoven, avec un sens évident de l’intensité dramatique.
Pour cette exécution de Fidelio, les dialogues ont été supprimés pour être remplacés par la version pour récitant que Nikolaus Harnoncourt avait commandée pour son festival Styriarte en 2009 (texte de Walter Jens) : quatre ans après la libération de Florestan, Rocco se remémore les faits en pensant à tout ce qui s’est passé à l’époque. Il se dit notamment que Leonore aurait mieux fait de tout de suite décliner son identité à Marzelline, ce qui aurait incité cette dernière à se rapprocher de Jaquino et à ne pas finir vieille fille... Avec sa diction impeccable, le récitant Peter Simonischek s’est montré particulièrement expressif et convaincant, contribuant lui aussi à la réussite de la soirée.
Prochain rendez‑vous avec l’opéra à Gstaad : La Flûte enchantée le 27 août, avec Christophe Rousset et toute l’équipe des Talens lyriques.
Claudio Poloni
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