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La deuxième vague Normandie Deauville (Salle Elie de Brignac-Arqana) 07/29/2022 - Antonio Vivaldi : Sonata pour deux violons et basse continue, opus 1 n° 1, RV 73 – Sonata per violoncello en mi mineur, RV 40 : Largo – Follia, opus 1 n° 12, RV 63
Giovanni Battista Reali : Sinfonia IV (Capricio) en ré majeur, opus 1 n° 4 – Sonata VIII en fa majeur, opus 1 n° 8 : Grave, Presto – Folia en ré mineur, opus 1 n° 12 – Sonata en la mineur, opus 2 n° 1 – Sinfonia VI (Capricio) en do majeur, opus 1 n° 6 : Grave – Sinfonia X (Capricio) en la majeur, opus 1 n° 10
Mrs. Philharmonica : Sonata I pour deux violons, violoncelle et clavecin en fa majeur (extraits)
Marco Uccellini : La Bergamasca
Benedetto Giacomo Marcello : Concerto pour hautbois en ré mineur (transcription de Johann Sebastian Bach, BWV 974) Le Consort : Théotime Langlois de Swarte, Sophie de Bardonnèche (violon), Hanna Salzenstein (violoncelle), Justin Taylor (clavecin)
Après une période difficile marquée par les incidences de la pandémie de Covid‑19, malgré les deuils récents (Yves Pouliquen, membre de l’Académie française et président de la Fondation Singer-Polignac sur laquelle s’adosse de longue date le festival, en 2020, et Nicholas Angelich, pianiste fondateur du festival, en avril dernier), la musique classique résiste à Deauville contre vents et marées puisque vient de s’ouvrir le vingt et unième Août musical. Celui‑ci paraît ainsi définitivement ancré dans le paysage musical français. Après le festival de Pâques, c’est une deuxième vague annuelle, ardemment attendue celle‑là par les mélomanes de la Côte fleurie.
Traditionnellement ouverte aux plus jeunes instrumentistes, elle a pour vocation, dans la capitale des sports équestres, de leur mettre le pied à l’étrier en les confrontant à quelques chefs‑d’œuvre du répertoire de musique de chambre comme évidemment au public. Cette année, pas moins de huit concerts sont à l’affiche, entre le 29 juillet et le 10 août, les vacanciers d’août étant privilégiés mais ceux de juillet n’étant pas oubliés.
Les programmes de 2022 sont des plus classiques, pour ne pas dire assez consensuels et sages. Des douze compositeurs programmés, seul Mauricio Kagel, l’iconoclaste et trublion du vingtième siècle, si réjouissant, détonne. Le reste est largement dominé par les romantiques ou post‑romantiques et même spécifiquement par Robert Schumann puisqu’il est prévu de faire paraître un cycle consacré à ce compositeur chez B.Records, label du festival.
Pour toutes ces raisons, on ne pouvait que déplorer la faible assistance au concert d’ouverture, alors qu’il était tout à fait remarquable, fait pour tout public et notamment les jeunes du fait principalement de ses rythmes assez irrésistibles. Entrait en effet en scène l’ensemble Le Consort, fondé en 2015 par Justin Taylor (né en 1992). Il interpréta, comme sur son dernier disque chez Alpha, des pièces de la Venise baroque ou influencées par elle, d’une fantaisie assez exubérante. La présence d’Antonio Vivaldi (1678‑1741) s’imposait naturellement mais celle de Giovanni Battista Reali (1681‑1751) ou de la compositrice anglaise du dix‑huitième siècle se cachant derrière le pseudonyme de Mrs. Philarmonica était plus originale. Beaucoup moins connue que celle de Vivaldi, l’œuvre de Reali n’en mérite pas moins le détour et Justin Taylor, à l’affût des découvertes, l’œil pétillant et tout sourire, manifestait avec ses amis un plaisir évident à en révéler les pages les plus brillantes, lesquels à les entendre n’ont rien à envier à celle du célèbre Prêtre roux.
Le Consort avala goulûment les pièces, quasiment sans pause, ce qui en perturba certains, ne s’y retrouvant pas dans le programme généreusement distribué. La netteté des violons faisait parfois défaut, notamment dans la Première Sonate de Vivaldi, mais l’engagement jamais. Ils s’amusèrent à imiter la mandoline par des pizzicatos et virevolter comme des moineaux dans des passages particulièrement virtuoses ; ils surent aussi laisser place à l’émotion dans les Grave de Reali retenus pour la seconde partie. La violoncelliste fut de son côté d’une qualité constante. Après un très bref premier bis jouant à nouveau sur les pizzicatos, Théotime Langlois de Swarte invita le public à chanter « Lalala‑lala‑laaa » pour accompagner la ligne de basse lors d’une reprise de Follia. Le public, un peu surpris et décontenancé, suivit plutôt mollement mais son rythme endiablé et entêtant poussa quand même certains à continuer de chanter à l’issue du concert... sur leur bicyclette. Non seulement Le Consort sait interpréter la musique baroque et montre sa passion pour ce répertoire mais parvient à la communiquer, à la partager avec bonheur.
Stéphane Guy
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