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Rigoletto ou la lutte des classes

Milano
Teatro alla Scala
06/20/2022 -  et 23, 27, 30 juin, 2, 5*, 8, 11 juillet 2022
Giuseppe Verdi : Rigoletto
Piero Pretti (Il Duca di Mantova), Amartuvshin Enkhbat (Rigoletto), Nadine Sierra (Gilda), Gianluca Buratto (Sparafucile), Marina Viotti (Maddalena), Anna Malavasi (Giovanna), Fabrizio Beggi (Il Conte di Monterone), Costantino Finucci (Marullo), Francesco Pittari (Matteo Borsa), Andrea Pellegrini (Il Conte di Ceprano), Rosalia Cid (La Contessa di Ceprano), Guillermo Esteban Bussolini (Usciere di corte), Mara Gaudenzi (Paggio)
Coro del Teatro alla Scala, Alberto Malazzi (direction), Orchestra del Teatro alla Scala, Michele Gamba (direction musicale)
Mario Martone (mise en scène), Ursula Patzak (costumes), Pasquale Mari (lumières), Daniela Schiavone (chorégraphie)


(© Brescia e Amisano/Teatro alla Scala)


Rigoletto, manifeste politique contre l’injustice sociale ? C’est du moins l’avis de Mario Martone, lequel, pour la nouvelle production du chef‑d’œuvre de Verdi à Milan, a choisi d’opposer le monde des puissants à celui des démunis. Le metteur en scène italien s’est inspiré du film Parasite du réalisateur sud‑coréen Bong Joon‑ho. Sur le plateau de la Scala, l’appartement des riches, moderne, lumineux et luxueusement aménagé, occupé par le Duc et sa cour, côtoie le taudis des pauvres, sale et sombre, habité par Rigoletto, sa fille, Sparafucile et Maddalena. Rigoletto fait le lien entre ces deux univers, passant d’un monde à l’autre. Les happy few arrogants et suffisants n’ont de cesse d’humilier les laissés-pour-compte qui travaillent pour eux, parfois inconsciemment, parfois volontairement. Le propos est pertinent et cohérent. Ce Rigoletto se veut la transposition contemporaine d’un ouvrage composé en 1851 qui a donné bien du fil à retordre à la censure, lui-même inspiré d’une pièce de Victor Hugo (Le Roi s’amuse, 1832) interdite dès le lendemain de la première, tant la critique de la monarchie et de la noblesse était un tabou à l’époque. A la fin de la soirée, après la mort de Gilda, le spectacle se termine par un carnage très gore : les démunis tuent les riches dans un bain de sang, exactement comme dans Parasite. Cette nouvelle production, moderne et radicale, mais intelligemment pensée, tranche singulièrement avec le précédent Rigoletto de la Scala, très traditionnaliste et dans des costumes d’époque, conçu par Gilbert Deflo en 1994 et repris dix fois.


La distribution est emmenée par le splendide Rigoletto d’Amartuvshin Enkhbat : voix puissante, timbre de bronze, phrasé exemplaire, diction irréprochable, le baryton mongol est tout aussi convaincant dans les accès de colère que dans les moments de tendresse. Gilda n’a plus de secret pour Nadine Sierra, qui impressionne par son timbre clair et lumineux, sa voix parfaitement contrôlée et homogène sur toute la tessiture, ses vocalises précises et ses pianissimi évanescents très longuement tenus, composant une héroïne rebelle et sensuelle à la fois. Piero Pretti est un Duc au chant ardent et solaire, même s’il donne parfois l’impression de forcer. Maddalena particulièrement aguicheuse mais jamais vulgaire, qui n’hésite pas à se déshabiller devant le Duc, Marina Viotti séduit par sa voix chaude et veloutée. Gianluca Buratto est un Sparafucile au phrasé impeccable. En Monterone devenu mendiant après son séjour dans les geôles du Duc, Fabrizio Beggi fait montre d’accents sombres et caverneux. Tous les autres solistes font honneur à une distribution de haute tenue. Le Chœur de la Scala offre une prestation superlative, Verdi faisant indubitablement partie de son ADN. Dans la fosse, Michele Gamba adopte des tempi rapides, mettant parfois à mal les chanteurs, mais l’allant dramatique est indéniable, avec une lecture tendue et vibrante de bout en bout. Verdi comme on l’aime.



Claudio Poloni

 

 

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