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Quand une production historique devient un classique

Bruxelles
La Monnaie
06/15/2022 -  et 18, 21, 23, 26*, 29 juin, 2 juillet 2022
Giacomo Meyerbeer: Les Huguenots
Lenneke Ruiten (Marguerite de Valois), Karine Deshayes (Valentine), Ambroisine Bré (Urbain), Enea Scala (Raoul de Nangis), Nicolas Cavallier (Comte de Saint‑Bris), Vittorio Prato (Comte de Nevers), Yoann Dubruque (De Retz), Alexander Vinogradov (Marcel), Pierre Derhet (Cossé), Valentin Thill (Tavannes), Patrick Bolleire (Thoré), Jean‑Luc Ballestra (Méru), Blandine Coulon (Dame d’honneur), Fiorella Hincapié (Bohémienne), Margaux de Valensart (Une coryphée, Une bohémienne), Luca Dall’Amico (Maurevert, Un moine), Maxime Melnik (Bois‑Rosé, Un moine), Emmanuel Junk (Un moine, Un coryphée), Alain-Pierre Wingelinckx (Un valet, Un étudiant catholique, Un coryphée), Alessia Berardi, Marta Beretta (Deux jeunes filles catholiques), René Laryea (Un archer du guet), Pascal Macou (Un coryphée)
Académie des Chœurs de la Monnaie, Chœurs de la Monnaie, Emmanuel Trenque (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Evelino Pidò (direction musicale)
Olivier Py (mise en scène), Daniel Izzo (reprise de la mise en scène), Pierre‑André Weitz (décors, costumes), Bertrand Killy (lumières)


(© La Monnaie/Clärchen und Mathias Baus)


Cette saison, la Monnaie a repris deux de ses meilleures productions du mandat de Peter de Caluwe, Lulu, créée en 2012, et Les Huguenots (1836), à l’affiche l’année précédente. Daniel Izzo remonte la mise en scène d’Olivier Py, sa première à la Monnaie, suivie par d’autres tout aussi intéressantes, Hamlet en 2013, Dialogues des carmélites en 2017, Lohengrin en 2018 et La Gioconda en 2019. L’effet de surprise passé, la représentation de l’opéra probablement le plus célèbre de Meyerbeer suscite un peu moins d’enthousiasme qu’il y a onze ans, bien que ce spectacle pourvu de tous les attributs d’un classique impressionne encore. L’esthétique bien connue de Py et de ses fidèles collaborateurs, Pierre‑André Weitz et Bertrand Killy, n’étonne plus vraiment aujourd’hui, en particuliers la dominance du noir et la monumentalité des décors modulables. Mais cette mise en scène qui joue subtilement sur les anachronismes suscite l’admiration par sa capacité à exploiter tout en les modernisant les codes du grand opéra, et à se montrer aussi convaincante dans les grands tableaux que dans les scènes plus intimistes. Quel contraste entre la gracieuse scène du bain, magnifiée par des danseuses à la plastique irréprochable, au deuxième acte, et la violence psychologique et physique des deux derniers. La mise en scène d’Olivier Py excelle décidément dans tous les tableaux, mais le dernier acte tire un peu en longueur – le spectacle se termine tout de même après 5 heures et 20 minutes, les deux pauses comprises. Dans un peu moins d’un an, le public découvrira une nouvelle production conçue par le trio Py‑Weitz‑Killy, sans doute dans la même veine, Henry VIII de Saint‑Saëns.


L’orchestre rejoue cet opéra, non plus sous la direction de Marc Minkowski, un des artisans majeurs de cette grande production lors de sa création, mais sous celle d’un chef à la réputation bien établie dans ce répertoire, Evelino Pidò, qui a donné en 2019 Robert le Diable en version de concert. L’interprétation répond assez largement aux attentes, mais sans surprise, car, comme il y a trois ans, le maestro sait comment imprimer de la grandeur et de l’expression à cette musique, en combinant énergie et précision, éclat et expressivité, le tout avec un constant souci du phrasé et du détail. Pidò révèle aussi ce que cette copieuse et intimidante partition comporte de finesse. Le niveau élevé des musiciens rend justice à cet opéra riche aussi de solos, tous maîtrisés. Les nombreux choristes se présentent sous leur meilleur jour, contribuant ainsi, dans une large mesure, par leur implication et leur rigueur, à la puissance de ce spectacle, et il va sans dire que le compositeur leur accorde une importance vraiment cruciale.


La distribution n’encourt qu’un seul reproche : une prononciation française moins irréprochable qu’en 2011. Une direction d’acteur soignée et des voix bien appariées contribuent à la puissance théâtrale de nombreux passages importants, tels que la conjuration des poignards ou le duo entre Raoul et Valentine. Tous crédibles dans leur rôle, qu’ils interprètent, pour la majorité d’entre eux, pour la première fois, les chanteurs délivrent donc de belles, voire impressionnantes, performances vocales, à l’instar de Lenneke Ruiten en Marguerite de Valois, malgré un timbre modérément séduisant. La soprano délivre un jeu d’acteur supérieur à celui, plus sommaire, de Karine Deshayes, formidable de précision et de raffinement en Valentine, en ce compris dans les ornements. La mezzo‑soprano la surpasse même par la maîtrise du cantabile – les puristes les plus acharnés regretteront peut-être qu’elle n’a pas vraiment la voix d’une Falcon, à cause de graves plus limités, mais la chanteuse nous ravit pour notre part. Ambroisine Bré incarne un mémorable Urbain, grâce à un jeu théâtral d’une grande vitalité et à une voix assez impressionnante d’agilité. Il faut un peu de temps à Enea Scala pour chauffer son instrument, pas très beau au première acte, autrement plus attirant par la suite. Ce ténor à la mâle assurance et aux aigus puissants ne manque pas d’impressionner en Raoul par son tempérament dramatique et son chant solide. Ce chanteur possède les ressources nécessaires pour le rôle de par sa fréquentation du bel canto et de Rossini. La basse Alexander Vinogradov, au timbre profond et séduisant, incarne un formidable Marcel par la justesse de la caractérisation et la noblesse du phrasé – remarquable, aussi, le Comte de Saint‑Bris de Nicolas Cavallier, servi par un chant de grande classe. Personne ne domine ou ne dévalorise le reste de cette distribution dans laquelle pratiquement tous les rôles secondaires et les comprimari font l’objet d’un soin particulier, que ce soit le Comte de Nevers de Vittorio Prato, le Tavannes de Valentin Thill ou tous ces personnages féminins et masculins qui enrichissent cette belle et grande fresque musicale.



Sébastien Foucart

 

 

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