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Cycle Berlioz, suite

Strasbourg
Palais de la Musique
06/07/2022 -  et 8 (Strasbourg), 10 (Paris) juin 2022
Hector Berlioz : Roméo et Juliette, opus 17
Joyce DiDonato (soprano), Cyrille Dubois (ténor), Christopher Maltman (baryton)
Coro Gulbenkian, Jorge Matta (chef de chœur), Chœur de l’Opéra national du Rhin, Alessandro Zuppardo (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Strasbourg, John Nelson (direction)


J. Nelson (© Nicolas Roses)


Le cycle Berlioz de John Nelson, enregistré sous étiquette Erato, a commencé il y a déjà cinq ans, en étroite collaboration avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg pour la plupart de ses étapes : de sensationnels Troyens, une Damnation de Faust de haut niveau, et bientôt Harold en Italie et Les Nuits d’été, à paraître, captés à Strasbourg en octobre 2021. A chaque fois le principe de ces concerts/captations est le même : micros en place pour les deux concerts, intégralement enregistrés, ainsi que les séances de répétition, avec encore, à l’issue, une ultime journée de retouches et autres patchs, dans un Palais de la Musique à nouveau sans public, transformé en studio d’enregistrement.


Pour les deux soirées où on se trouve convié à écouter ce Roméo et Juliette, promis dès 2021 mais reporté du fait de la pandémie, on n’a pas tout à fait l’impression d’assister à un concert, mais plutôt, effectivement, à une séance publique d’enregistrement. Les multiples micros voire caméras (medici.tv enregistre aussi !) restent discrets, mais la localisation des solistes et des chœurs est inhabituelle, en vue d’effets de spatialisation dont certains ne trouveront vraisemblablement leur véritable cohérence qu’au disque. Le Finale est particulièrement déconcertant, avec les choristes répartis en deux blocs, Chœur de l’Opéra national du Rhin à gauche et Chœur Gulbenkian de Lisbonne à droite, installés non pas sur la scène mais sur les sièges des premières rangées de la salle, donc tournant le dos au public. Acoustiquement, l’effet n’est pas vraiment défavorable (voire, pour les preneurs de son, certainement intéressant), mais visuellement il est pour le moins curieux. De même, dans la première partie, s’il est sans doute plus confortable pour les ingénieurs de capter les voix de Joyce DiDonato et de Cyrille Dubois au plus près du Chœur Gulbenkian, placé cette fois derrière l’orchestre, en revanche, le public n’aperçoit ces deux chanteurs que de loin. C’est dommage pour le timbre de Cyrille Dubois, qui nous arrive trop ténu, d’impeccables qualités de style et de diction parvenant cependant à compenser en partie ce déficit, voire pour la clarté d’élocution de Joyce DiDonato, qui ressortira mieux au disque, la proximité des micros aidant, mais qui paraît pour l’instant relativement empâtée, avec de surcroît quelques difficultés à stabiliser les aigus, au début d’une intervention très courte, qui ne laisse guère le temps de s’échauffer.


Retrouver John Nelson dans Berlioz à Strasbourg est toujours un plaisir, tant il parvient à transformer instantanément les sonorités de l’orchestre, à lui inculquer une spécificité d’articulation et une transparence très particulières. Et avec les années qui passent, le chef américain, octogénaire maintenant, n’a rien perdu de son énergie, même s’il dirige la plupart du temps assis. Ses rapports ouverts et cordiaux, avec des musiciens qui paraissent totalement « dans le coup », font plaisir à voir : manifestement une complicité musicale collective, et non des rapports hiérarchiques crispés, mais qui peuvent aussi se solder par quelques bavures. Assez généralement, John Nelson opte pour des tempi vifs, voire fonce, notamment dans une Introduction certes tumultueuse à souhait, mais où les cordes ne sont pas du tout en place. Même prestesse pour le Scherzo de la Reine Mab, dont les harnois ne sont pas toujours bien peignés, voire pour une Scène d’amour intense, mais dont les émois palpitent à une allure un peu fiévreuse. Quant au Bal chez les Capulets, il tourbillonne bien, mais au prix d’une pulsation relativement lourde, pour bien sécuriser des cuivres dès lors un peu trop envahissants. A ce seul moment sont aussi à l’œuvre six magnifiques harpes (!) derrière l’orchestre, mais que l’on n’entend quasiment pas : là encore des rééquilibrages d’enregistrement à prévoir.


La troisième partie, donnée après un long entracte, convainc davantage, avec en particulier une prenante scène de Roméo au tombeau des Capulets, moment de musique descriptive difficile à réussir, où il faut amener l’orchestre à incarner vraiment les personnages du drame. Rappelons que dans cette étrange Symphonie dramatique, ce sont bien les musiciens qui « jouent » les deux principaux rôles, et que dans cette perspective ce ne sont évidemment ni le ténor ni la mezzo‑ soprano qui incarnent Roméo et Juliette (une absurdité que l’on retrouvait pourtant encore sur les affiches annonçant le concert...). Quant au Finale, il est marqué par la présence souveraine de Christopher Maltman, percutant Père Laurence (le seul véritable « rôle » chanté de la partition) : une performance magistrale, mais que John Nelson couvre parfois sans trop d’égards, en comptant beaucoup sur les deux micros placés juste en face du chanteur pour remettre ultérieurement les plans sonores à leur juste place.


Une soirée riche d’un beau souffle romantique, mais pas toujours très ordonnée, et qui probablement débouchera sur un enregistrement passionnant. C’est déjà beaucoup, mais au prix de quelques frustrations, sur le moment, pris dans le flot généreux d’un concert/enregistrement où tout le monde sait qu’il n’est finalement pas trop grave que ça passe ou ça casse, puisqu’il sera toujours possible de fignoler ensuite. Donc un résultat qui reste essentiellement à apprécier plus tard, d’ici environ un an.



Laurent Barthel

 

 

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