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Un Titan norvégien

Monaco
Monte-Carlo (Auditorium Rainier III)
06/12/2022 -  
Robert Schumann : Concerto pour piano en la mineur, opus 54
Gustav Mahler : Symphonie n° 1 en ré majeur « Titan »

Hélène Grimaud (piano)
Orchestre philharmonique de Monte‑Carlo, Eivind Gullberg Jensen (direction)


E. Gullberg Jensen (© André Peyrègne)


Transformée pendant plusieurs jours en circuit automobile pour son Grand Prix de Formule 1, la Principauté de Monaco a été rendue à ses mélomanes. Longeant des artères encore gainées de glissières de sécurité, passant devant des tribunes hautes comme des immeubles, les amateurs de grande musique ont le retrouvé le chemin de l’Auditorium, lui‑même situé sur le circuit au niveau d’un célèbre tunnel.


Là, ils ont découvert un pilote d’un autre genre – un chef d’orchestre : le Norvégien Eivind Gullberg Jensen. Ils l’ont vu faire vrombir un orchestre de haute compétition, le Philharmonique de Monte‑Carlo. Ils ont entendu une version à couper le souffle de la Première Symphonie de Mahler. Cette symphonie démesurée est surnommée « Titan ». Ce n’est pas une référence aux géants de la mythologie mais au personnage malfaisant d’un roman de l’écrivain romantique allemand Jean Paul. Le résultat est le même : la symphonie est monumentale.


Eivind Gullberg Jensen en a donné une interprétation géante. Faisant sonner l’orchestre de manière somptueuse, il a su mettre en évidence le caractère propre les passages si divers de cette œuvre : cela va des épisodes diaphanes du début, évocateurs de la nature, aux fanfares formidables de la fin, où il est question de la lutte de l’homme contre son destin. Cela passe aussi par la marche funèbre du troisième mouvement (sur le thème de « Frère Jacques » en mode mineur) ou par le passage lent du final, digne prédécesseur de l’Adagietto de la Cinquième Symphonie, ou encore par les danses populaires qui surgissent gaillardement un peu partout dans l’œuvre. Le chef a su mettre en valeur tous ces passages dans leur diversité. Il a été acclamé.


Et pourtant, ce n’est pas lui qui était la « vedette » du concert, mais bel et bien la pianiste Hélène Grimaud. Celle‑ci nous fit entendre une œuvre qu’on a entendue cent fois, le sublime Concerto de Schumann. Avec sa silhouette juvénile sur laquelle l’âge n’a pas de prise et sa chevelure blonde tombant en cascade de part et d’autre de son visage, la belle Hélène nous donna une interprétation personnelle fine, sensible, virtuose de ce concerto. Elle s’autorisait d’élégants rubatos, de menus changements de rythme ou de tempo. Cela donnait du chic à son phrasé, accentuait le frisson du romantisme. Hélène Grimaud nous charma. Ce n’était pas la première fois. Ce ne serait certainement pas la dernière.



André Peyrègne

 

 

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