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Tempête sous un crâne

Lyon
Opéra
06/04/2022 -  et 5, 7, 8, 10, 11, 13 juin 2022
Edvard Grieg : Peer Gynt, opus 23
Jérémy Lopez (Peer Gynt), Martine Schambacher (Ase), Jean-Philippe Salerio (Un homme, Le roi des trolls, Le courbe, Le fondeur), Alizée Bingöllü (Ingrid, La femme en vert), Claire de Sévigné (Solveig), Caroline McPhie (Anitra, Une fille des pâturages), Heather Newhouse, Delphine Terrier (Filles des pâturages)
Maîtrise de l’Opéra de Lyon, Karine Locatelli (cheffe de chœur), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Elena Schwarz (direction musicale)
Angélique Clairand (mise en scène), Anouk Dell’Aiera (décors), Bruno de Lavenère (costumes), Laurent Castaingt (lumières), Corinne Garcia (chorégraphies)


J. Lopez (© Jean-Louis Fernandez)


On connaît bien les deux Suites de Peer Gynt de 1874 et 1875, et tout particulièrement la célébrissime « Chanson de Solveig » et l’évocation du lever du jour au début de la Première. Mais plus intéressante est la version complète de la musique de scène écrite à partir de 1875 à la demande d’Ibsen pour sa pièce de théâtre éponyme créée en 1876, malgré le caractère décousu et forcément épisodique de cette suite de numéros prévus comme éléments d’une œuvre théâtrale. On ne peut donc que se réjouir que l’Opéra de Lyon ait eu l’idée de les replacer dans leur contexte, dans une version scénique confiée à Angélique Clairand, aidée par Anouk Dell’Aiera pour les décors, Bruno de Lavenère pour les costumes, Laurent Castaingt pour les lumières et Corinne Garcia pour les chorégraphies. En partant de la phrase introductive du spectacle prononcée par Ase, la mère de Peer Gynt, « Peer, tu mens ! », la metteuse en scène conçoit tout le spectacle comme s’il se passait dans sa tête du jeune adolescent, effrayé par le monde extérieur, au point de se faire livrer ses repas par une petite ouverture pratiquée en bas de la porte de sa chambre, dont il ne sort jamais ! Toutes ses rencontres, notamment celle des trolls, seront amenées à la vie par son imagination, tandis que des huissiers – bien réels ceux‑là – démembrent peu à peu sa chambre, et la vident de tout son mobilier, car sa mère est endettée !


Le spectacle repose pour beaucoup sur l’incroyable énergie déployée, dans le rôle‑titre, par Jérémy Lopez, sociétaire de la Comédie‑Française, qui se montre aussi convaincant en ado insupportable qu’en empereur mégalo. Le second élément le plus remarquable est la soprano canadienne Claire de Sévigné, aussi fine que délicieuse en Solveig, dont le contrôle de la ligne de chant est un modèle. On est également saisi par l’autorité déployée par l’Anitra de la mezzo Caroline McPhie, voix chaude et jeu intense. Mais toute la troupe de comédiens est de la même trempe, et l’on sent qu’ils s’amusent beaucoup à faire exister cet univers si singulier, à l’instar de Jean‑Philippe Salerio qui multiplie les rôles avec le même bonheur. L’on remarque aussi l’intense présence scénique de Martine Schambacher, en Ase à la voix rocailleuse, mais pleine de tendresse pour son petit diable de fils. L’autre atout de la soirée est une remarquable Maîtrise de l’Opéra de Lyon, particulièrement sollicitée ici tant vocalement que scéniquement, et superbement préparée par Karine Locatelli pour la première composante, et par Corinne Garcia pour la seconde. En fin de soirée, leur Psaume de la Pentecôte chanté a capella est un grand moment d’émotion.


A la tête de la phalange maison, la cheffe Elena Schwarz parvient à allier l’esprit de féerie poétique et la veine populaire de ces images d’Epinal sonores, en trouvant un parfait équilibre entre sensibilité et mouvement, servi par un orchestre chaleureux et fluide, comme dans la « Danse d’Anitra », d’une finesse tout aérienne.



Emmanuel Andrieu

 

 

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