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Cher Bruckner Paris Théâtre des Champs-Elysées 06/02/2022 - et 24 (Zürich), 28 (Graz), 31 (Wien) mai 2022 Anton Bruckner : Symphonie n° 9 Sächsische Staatskapelle Dresden, Christian Thielemann (direction)
C. Thielemann (© Matthias Creutziger)
Le début nous dira tout de cette Neuvième Symphonie de Bruckner dirigée par Christian Thielemann. On admire d’emblée la beauté de l’orchestre, tous pupitres confondus – à commencer par l’impalpable tremolo des cordes des premières mesures. Chef et musiciens fusionnent, ils se sont d’ailleurs souvent immergés dans la musique du compositeur autrichien – en témoigne superbement une intégrale DVD avec la Staatskapelle (C Major).
Thielemann n’est que fluidité, souplesse, lyrisme lumineux, refus du pathos. Ne cherchons pas dans cette Neuvième un mysticisme à la Jochum ou une noirceur à la Furtwängler. On penserait plutôt à ces chefs allemands, tels Clemens Krauss ou Karl Böhm, que Wieland Wagner qualifiait de « latins ». La musique avance avec un naturel, une évidence qu’on ne trouve pas toujours chez les interprètes de Bruckner. Thielemann éclaire magnifiquement la polyphonie, dégage toutes les lignes, tout en soignant beaucoup les détails – quelques notes des bois s’entendent ici ou là, alors qu’elles échappent chez d’autres échappent. Et il ne s’y perd pas, à l’inverse d’un Rattle, tend l’arc du début à la fin, sans le raidir, sans saturer non plus les grands crescendos du premier ou du troisième mouvement. Le Scherzo n’est pas dantesque, avec un Trio sur les pointes, mais il s’accorde à cette lecture qui, certes, vise d’abord la plasticité et, si elle séduit plus qu’elle ne bouleverse, est d’une absolue beauté – jusqu’aux ultimes mesures, suspendues.
Même sans son final, que Bruckner n’acheva pas, la Neuvième reste un monument. Suffit‑elle, pour autant, à remplir une soirée, ce qui est le cas de la Huitième, par exemple ? Thielemann lui‑même, en d’autres lieux, ne l’a pas dirigée seule. Cher Bruckner...
Didier van Moere
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