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Un Don Pasquale jouissif à Dijon Dijon
Auditorium
05/10/2022 - et 12, 14* mai 2022
Gaetano Donizetti : Don Pasquale
Laurent Naouri (Don Pasquale), Melody Louledjian (Norina), Nico Darmanin (Ernesto), André Morsch (Malatesta), Jonas Yajure (Le notaire)
Chœur de l’Opéra de Dijon, Elsa Lambert (cheffe de chœur), Orchestre Dijon Bourgogne, Debora Waldman (direction musicale)
Amelie Niermeyer (mise en scène), Marie‑Alice Bahra (décors et costumes), Tobias Löffler (lumières), Dustin Klein (chorégraphies)
(© Mirco Magliocca)
Rares sont les transpositions qui fonctionnent aussi bien, comme celle imaginée par Amelie Niermeyer pour l’hilarant Don Pasquale que vient de mettre à son affiche l’Opéra de Dijon. Pendant l’Ouverture, la remontée du rideau de scène laisse découvrir une paire de jambes dépassant du dossier d’un confortable canapé... et l’on s’aperçoit vite sue ce sont celles de Don Pasquale lui‑même, en pleine séance de gymnastique dans sa superbe villa d’architecte, typique des années 1970, auxquelles renvoient également les costumes imaginés par Marie‑Alice Bahra (de même que les décors). De son côté, Norina est une jeune fille un peu délurée et marginale, qui vit dans sa R5 garée le long de la villa cossue du barbon (ici mieux « conservé » que de coutume, grâce aux exercices de remise en forme qu’il s’impose durant tout le début de la soirée). La transformation n’en est que plus spectaculaire et hilarante, Sofronia/Norina se présentant à lui sous le voile d’une religieuse (elle est censée sortir tout juste du couvent), avant de se transformer en véritable virago dès que le pauvre Pasquale a signé l’acte de mariage ! Trois comédiens, Victoire‑Lou Leboucher, Simon Primard et David Bada, font office de domestiques (une femme de ménage, un jardinier et un ouvrier) et multiplient les scènes cocasses grâce à la direction d’acteurs inventive de Niermeyer. Cela finit dans un joyeux bazar, qui prend une tournure féministe et libertaire. Le chœur investit le plateau en arborant une banderole « Amor liberto », tandis qu’Ernesto apparaît en talons aiguilles, et que Norina préfèrera, en fin de compte, rester célibataire et libre, ne voulant pas plus s’unir à Ernesto qu’à Pasquale !
Après son impayable Mam’Agata dans Viva la mamma du même Donizetti (à l’Opéra de Lyon en 2017), Laurent Naouri campe un Pasquale aussi hyperactif que touchant, l’ardeur mise dans ses exercices physiques venant vite, et cruellement, lui rappeler qu’il n’a plus 20 ans. Ses effets appuyés dans le jeu n’entachent cependant pas un chant de grande qualité, projeté sans effort, et un italien châtié en plus d’un style adapté à ce répertoire. La jeune et pétillante soprano française Melody Louledjian compose une Norina bien dans l’esprit de la mise en scène, un brin âpre, d’un incroyable abattage autant scénique que vocal, avec un timbre plus corsé que de coutume dans cet emploi, ce qui fait mouche ici. L’Ernesto du ténor maltais Nico Darmanin s’avère plus discutable : le timbre est nasal, la couleur uniforme, et la voix tend à se raidir dans l’aigu, au risque de rendre pleurnichards ses airs énamourés, comme dans le fameux « Com’è gentil ». Dans le rôle de Malatesta, André Morsch n’est pas inoubliable non plus, du moins dans son air du premier acte, qui manque de fantaisie dans le phrasé, mais au moins l’instrument est sain et l’interprète fait preuve d’efficacité théâtrale. Quant à Jonas Yajure, l’autre ténor de la distribution, il campe un Notaire à la fois présent et précis.
Enfin, à l’unisson d’une mise en scène inventive, la cheffe israélo‑brésilienne Debora Waldman, directrice musicale de l’Orchestre national Avignon-Provence, fait vivre cette partition de pur charme à la tête d’un Orchestre Dijon Bourgogne brillant et enjoué. Le lecteur s’en doutera, le succès est au rendez‑vous de cette réjouissante soirée !
Emmanuel Andrieu
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