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Une beauté limitée

Madrid
Teatro Real
04/22/2022 -  et 24, 26, 27, 28, 29, 30 abril, 2, 5, 7, 10*, 11, 12 mai 2022
Wolfgang Amadeus Mozart : Le nozze di Figaro, K. 492
André Schuen/Joan Martín‑Royo* (Le comte Almaviva), María José Moreno/Miren Urbieta‑Vega* (La comtesse), Julie Fuchs/Elena Sancho Pereg* (Susanna), Vito Priante/Thomas Oliemans* (Figaro), Rachael Wilson/Maite Beaumont* (Cherubino), Monica Bacelli/Gemma Coma‑Alabert* (Marcellina), Fernando Radó/Daniel Giulianini* (Bartolo), Christophe Monagne (Basilio), Moisés Marín (Don Curzio), Alexandra Flood (Barbarina), Leonardo Galeazzi (Antonio), Uli Kirsch (L’ange)
Coro Titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta Titular del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Ivor Bolton (direction musicale)
Claus Guth (mise en scène), Christian Schmidt (décors, costumes), Ramses Sigl (chorégraphie), Olaf Winter (lumières), Andi A. Muller (vidéo)


M. Urbieta‑Vega, M. Beaumont, E. Sancho Pereg
(© Javier del Real/Teatro Real)



La mise en scène de Claus Guth est bien connue depuis sa création à Salzbourg en 2006, l’année des grandes célébrations mozartiennes, les deux cent cinquante ans de la naissance du génie. Il s’agissait d’une version qui allait contre le sens bouffe de cet opéra. La résultat n’a jamais été trop convaincant, même si l’expérience a un intérêt indéniable pour un opéra bien connu, trop connu, avec des références disponibles dans plusieurs captations audiovisuelles. Le défi de mettre en scène un opéra de plein répertoire produit parfois des atouts avérés. Guth n’est pas tombé dans le piège de la nouveauté insensée, mais sa vision était, hier et aujourd’hui, une « folle journée » pas très folle, un peu trop forcée, comme dans certaines arie, par exemple « La vendetta », tout à fait hors sujet, la faute n’en revenant pas à Daniel Giulianini, et ce n’est pas le seul exemple.


Les Noces de Figaro raconte un épisode à la fin de l’Ancien Régime, bien vu par un contemporain comme Beaumarchais. Il y a un diminuendo entre les trois pièces de Beaumarchais sur cette famille et ses vassaux. Le Barbier de Séville, optimiste, bouffe ; Les Noces de Figaro, pessimiste, mais bouffe aussi, déguisé, de l’humour savant, parfois effectivement fou ; La Mère coupable, une comédie parfois larmoyante, tout à fait pessimiste à l’égard des Almaviva, avec en outre la mort de Chérubin et un hypocrite déjà annoncé dans le titre complet (L’autre Tartuffe ou La Mère coupable), un futur guère brillant. C’est déjà une pièce de l’époque révolutionnaire – 1792 (échec) et surtout 1797 (succès). La déception est servie comme un dîner trop froid. Milhaud a composé un opéra sur cette dernière pièce du cycle (1966), aujourd’hui oublié (mais sait‑on jamais), et Thierry Pécou plus récemment (2010). Il y a d’autres variations. Il y a une comédie dramatique par Odőn von Horváth, Figaro divorce (Figaro lässt sich scheiden, 1936, deux avant la mort accidentelle de Horváth), lucide, encore plus pessimiste, et distant d’un siècle et demi des événements : il y a aux moins deux opéras fondés sur cette comédie, le plus récent d’Elena Langer, et celui de Giselher Klebe (1963), malheureusement négligé – j’avoue que je l’ai jamais vu ou entendu.


C’est peut‑être ce pessimisme qui anime la mise en scène de Guth. Sa vision ne déçoit pas complètement, mais elle pèse parfois. Des Noces lourdes, pesantes ! Incroyable, mais cela est une des caractéristiques de Guth, plus à l’aise dans d’autres répertoires ou avec d’autres perspectives, comme sa Rodelinda au Teatro Real il y a trois ans – quelle merveille ! Ou sa Jenůfa de Londres, l’année dernière, insurpassable, émouvante. Il faut certes reconnaître que Guth a eu l’opportunité de parcourir les trois opéras de Da Ponte et d’autres, comme La Clémence de Titus, avec des perspectives plus probantes. Je préfère ne pas parler des détails, comme l’ange espiègle dont la présence explique gracieusement ce qui est déjà très clair ; ou comme le manque absolu de meubles, parfois nécessaires, et la définition arbitraire des lieux (voyons, vous savez bien que l’acte IV se déroule dans un jardin, ne me demandez pas en plus qu’on voie les plantes, les arbres, les pavillons, cela suffit avec un intérieur, le même qu’au premier acte, ne comprenez‑vous pas mon idée sur le cercle de la journée se refermant sur lui‑même...?


Mais Les Noces, c’est l’agilité de l’action, les situations, certainement, mais surtout les voix. La distribution alternative de ces Noces a été dominée par Miren Urbieta‑Vega dans le rôle de la Comtesse, une voix pleine, tout à fait lyrique, belle couleur. En Susanna, Elena Sancho Pereg n’a pas beaucoup de volume, mais un bon goût naturel pour ce rôle particulièrement sympathique. Joan Martín‑Royo et Thomas Oliemans réussissent dans leurs rôles opposés, le premier peut‑être trop piégé par la mise en scène. La voix de Maite Beaumont est belle et elle compose un Cherubino tout à fait valable, mais il faut pas trop regarder le costume ridicule qui lui imposent Guth et Schmidt. Les autres voix sont efficaces, mais pas brillantes dans l’ensemble. Mais cet éclat n’est peut‑être pas indispensable pour Les Noces, et encore moins pour Le Barbier, d’ailleurs. Direction pas toujours agile d’Ivor Bolton, la plus agile des baguettes dans une fosse, si l’on veut bien me pardonner cette exagération : la puissance d’accablement de la production Guth contamine l’orchestre dans quelques passages. Un orchestre en pleine forme, d’ailleurs. Bref, c’est beau, mais d’une beauté limitée.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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